VOTRE AVIS SUR LES PIPES DE SAINT-CLAUDE

Ma réponse est parfaitement en cohérence avec la question :

- opinion sur les pipes fabriquées historiquement à Saint Claude, production de masse et , à la marge, production de prestige de chaque marque.

- opinion sur l'évolution vers des pipes de qualité portées par les maîtres pipiers et sur la nécessité, non seulement d'orientation vers plus de qualité pour les fabriques mais également sur la nécessité d'évolution des mentalités si l'on veut que cette évolution dispose d'un marché seul à même de ne pas encore dégrader la situation des marques.

A l'heure actuelle, le serpent se mord la queue, les distributeurs veulent des prix d'appels porteurs du nom des marques et distribuent principalement des pipes de finitions inférieures - les marques fournissent les distributeurs de produits de finitions inférieures qui les discréditent.

Pour évoluer il faut (mais il ne suffit pas) que les 2 agissent de concert et notamment que les détaillants soient plus à même de sélectionner et de conseiller. Bon nombre n'ont aucune idée de ce qui fait la qualité d'une pipe, ils ont des clients fumeurs de pipe et donc des pipes à vendre, point barre.

Les marques doivent faire des efforts quant-à la qualité de leur produits : c'est pas faux, mais si les détaillants n'en sont pas conscients et continuent à acheter des prix d'appel toute tentative est économiquement vouée à l'échec. Rebuter 10% des pipes les plus vilaines pour améliorer l'image de marque sans augmenter les prix est impensable. Comme je l'ai déjà dit, une fabrique taille les ébauchons calibrés, souvent de longue date, par dizaines de grosses puis les trie. Tout le travail de taille est déjà réalisé lors de ce tri, rebuter plus, déclasser plus impose nécessairement une augmentation de tarif.

Un pipier trie d'abbord ses ébauchons puis place son épure au mieux afin d'avoir un résultat à la hauteur de ses ambitions. Cela se traduit dans les faits par l'usage d'ébauchons de plus grande dimension. Il ne taille environ qu'une grosse de pipe par an . . .

La fabrique a plusieurs années d'ébauchons d'avance, lorsqu'elle produit un modèle, c'est 60 à 80 grosses par jour et par poste de travail, trier et retailler chaque ébauchon individuellement pour le placer au mieux sur la machine est impensable. Un pré-tri pour éliminer les ébauchons présentant le plus de défauts, de même que des tris entre les différentes phases de fabrication sont, sans nul doute déjà mis en oeuvre, Un tri plus sélectif peut évidemment être mis en oeuvre. Il n'en reste pas moins que la qualité, "Maître Pipier" ne peut réellement se retrouver que sur de petites fabrications reprenant les règles de fabrication des pipiers et que les classifications doivent être améliorées et unifiées pour permettre de réellement valoriser les pipes de grande qualité.

Que les détaillants leur fasse bon accueil et sans nul doute, les fabriques sont succeptibles de pouvoir mettre sur le marché des séries "Maitre Pipier du mois" exemptes de défauts à des prix en rapport avec leur qualité tout comme ils réalisent des pipes de l'année.

Y-a-t-il encore une clientèle pour ce type de produit sigillé des marques françaises ?

Les détaillants sont-ils aptes et prêts à porter ce type de produit ?

Si rien n'est fait, l'image des grandes marques historique risque fort de décliner encore mais si les fabriques prennent le risque économique de lancer des séries qui ne rencontrent pas l'accueil escompté ça risque fort d'être lourd de conséquences.

Alors oui, le rôle des pipiers est grand pour relever l'image de Saint Claude et de toute la fabrication française de pipes, oui les marques doivent proposer des séries et des finitions plus luxueuses et mieux abouties, peut-être en diffusant des séries crées par les pipiers comme elles ont su le faire par le passé mais oui, ça ne pourra se faire sans les distributeurs et les détaillants et surtout, ça ne pourra se faire sans chacun d'entre nous : Sommes nous prêt à investir la même somme, dans une Chacom ou une Butz Choquin que dans une Peterson, une Savinelli ou une Dunhill ? ? ?

La tentation pour les distributeurs, que l'on observe bien sur les tabacs notamment, est de ne travailler qu'avec peu de fournisseurs, macrotables à merci, de tirer sur les prix et d'alterner hausses et offres publicitaires. A terme, si la clientèle se laisse faire, nul doute que les pipes chinoises n'envahissent le marché.

Notre rôle est important, je ne suis pas un client de l'industrie pipière, Je suis un Amateur (vous savez, AMATO, celui qui AIME) de pipe, j'y consacre une part importante de mon temps et de mon pouvoir d'achat. Je refuse absolument de me borner à acheter ce qui est en stock et n'hésite pas à faire de longues et patientes recherches pour obtenir ce que Je Désire. Critiquer n'est pas une démarche constructive. Si nous acceptons d'investir un peu plus de notre temps et de notre argent pour n'acheter, sans doute un peu plus cher, que ce qui nous plait vraiment, les finitions de basse qualité resteront invendues et ne seront plus demandées par les détaillants qui commanderont plus de finitions supérieures qui feront remonter l'image de marque des pipes françaises et ouvriront le marché à des séries plus luxueuses. Sans notre exigence de base tout ce qui sera entrepris le sera en vain.


P.S. : L'appellation de fabrique que j'ai rendu aux marques de Saint Claude est celle qui leur appartenait autrefois et la seule qui réellement leur corresponde. Je vous invite, comme je l'ai fait, à les visiter, il ne s'agit en aucun cas d'usines mais bel et bien d'ateliers de fabrication avec des machines dont les plus récentes datent des années 70 et dont bon nombre sont séculaires. Aujourd'hui, ces ateliers sont bien vides qui n'accueillent qu'une ou deux dizaines de personnes alors qu'ils en accueillaient dix fois autant du temps de leur splendeur. Si les forges ont fermé qui fabriquaient les machines et les faisaient évoluer, les ouvriers répètent toujours les gestes de leurs anciens en passant désormais les séries successivement sur les différentes phases de fabrication. L'empreinte, l'esprit de la fabrique les habite toujours comme il habitait autrefois leurs aînés . . .