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Pipes et tabac dans la littérature
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Pipes et tabac dans la littérature
Capitaine Pamphile , Alexandre Dumas
"Mais ce qui, un soir de réception chez un peintre, est surtout digne de fixer l'attention d'un amateur, c'est la collection hétérogène de pipes toutes bourrées qui attendent, comme l'homme de Prométhée, qu'on dérobe pour elles le feu du ciel. Car, afin que vous le sachiez, rien n'est plus fantasque et plus capricieux que l'esprit des fumeurs.
L'un préfère la simple pipe de terre, à laquelle nos vieux grognards ont donné le nom expressif de brûle-gueule; celle-là se charge tout simplement avec le tabac de la Régie, dit tabac de caporal. L'autre ne peut approcher de ses lèvres délicates que le bout ambré de la chibouque arabe et celle-là se bourre avec le tabac noir d'Alger ou le tabac vert de Tunis. Celui-ci, grave comme un chef Cooper, tire méthodiquement du calumet pacifique des bouffées de maryland; celui-là, plus sensuel qu'un nabab, tourne comme un serpent autour de son bras le tuyau flexible de son houka indien, qui ne laisse arriver de sa bouche la vapeur du latakieh que refroidie et parfumée de rose et de benjoin. Il y en a qui, dans leurs habitudes, préfèrent la pipe d'écume de l'étudiant allemand, et le vigoureux cigare belge haché menu, au nargileh turc, chanté par Lamartine, et au tabac du Sinaï, dont la réputation hausse et baisse selon qu'il a été récolté sur la montage ou dans la plaine. D'autres sont enfin qui, par originalité ou par caprice, se disloquent le cou pour maintenir dans une position perpendiculaire le gourgouri des nègres, tandis qu'un complaisant ami monté sur une chaise, essaie, à grands renforts de braise et de souffle pulmonique, de sécher d'abord et d'allumer ensuite l'herbe glaiseuse de Madagascar."
"Mais ce qui, un soir de réception chez un peintre, est surtout digne de fixer l'attention d'un amateur, c'est la collection hétérogène de pipes toutes bourrées qui attendent, comme l'homme de Prométhée, qu'on dérobe pour elles le feu du ciel. Car, afin que vous le sachiez, rien n'est plus fantasque et plus capricieux que l'esprit des fumeurs.
L'un préfère la simple pipe de terre, à laquelle nos vieux grognards ont donné le nom expressif de brûle-gueule; celle-là se charge tout simplement avec le tabac de la Régie, dit tabac de caporal. L'autre ne peut approcher de ses lèvres délicates que le bout ambré de la chibouque arabe et celle-là se bourre avec le tabac noir d'Alger ou le tabac vert de Tunis. Celui-ci, grave comme un chef Cooper, tire méthodiquement du calumet pacifique des bouffées de maryland; celui-là, plus sensuel qu'un nabab, tourne comme un serpent autour de son bras le tuyau flexible de son houka indien, qui ne laisse arriver de sa bouche la vapeur du latakieh que refroidie et parfumée de rose et de benjoin. Il y en a qui, dans leurs habitudes, préfèrent la pipe d'écume de l'étudiant allemand, et le vigoureux cigare belge haché menu, au nargileh turc, chanté par Lamartine, et au tabac du Sinaï, dont la réputation hausse et baisse selon qu'il a été récolté sur la montage ou dans la plaine. D'autres sont enfin qui, par originalité ou par caprice, se disloquent le cou pour maintenir dans une position perpendiculaire le gourgouri des nègres, tandis qu'un complaisant ami monté sur une chaise, essaie, à grands renforts de braise et de souffle pulmonique, de sécher d'abord et d'allumer ensuite l'herbe glaiseuse de Madagascar."
Dernière édition par Nicot le Mer 3 Déc - 3:08, édité 1 fois
Nicot- TBphile
- Nombre de messages : 2131
Age : 73
Localisation : Pont-à-Celles - Belgique
Date d'inscription : 20/06/2013
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Un bien joli texte,c'est très agréable de lire une belle plume qui plus est instruite d'un sujet qui nous intéresse,ou l'on découvre encore,figé par les mots,des moeurs inconnus.
Merci Nicot
Merci Nicot
Invité- Invité
Re: Pipes et tabac dans la littérature
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Merci Nicot
Merci Nicot
Gonzague- TBfan
- Nombre de messages : 6300
Age : 69
Localisation : Centre
Date d'inscription : 05/12/2008
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Mais qu'est-ce le "gourgouri des nègres" à part le "tourne-à-gauche" qui sert à plier le fer à beton, je ne sais pas.
En recherchant sur la toile j'ai trouvé ça
"Où l’on comprend que le gourgouri est une sorte de pipe à peau malgache, un genre de huqqa dont le bec ressemblerait à votre outil ?"
Huqqa?
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En recherchant sur la toile j'ai trouvé ça
"Où l’on comprend que le gourgouri est une sorte de pipe à peau malgache, un genre de huqqa dont le bec ressemblerait à votre outil ?"
Huqqa?
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Gonzague- TBfan
- Nombre de messages : 6300
Age : 69
Localisation : Centre
Date d'inscription : 05/12/2008
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Merci Nicot!
Asmascega- TBphile
- Nombre de messages : 1938
Age : 35
Localisation : Breteuil (27; France)
Date d'inscription : 19/09/2012
Re: Pipes et tabac dans la littérature
+1
Reste à trouver le titre.
Reste à trouver le titre.
Stout- TBphile
- Nombre de messages : 4727
Age : 66
Localisation : Paris
Date d'inscription : 20/09/2012
Re: Pipes et tabac dans la littérature
selon Charles Baudelaire :
Je suis la pipe d'un auteur ;
On voit, à contempler ma mine
D'Abyssinienne ou de Cafrine,
Que mon maître est un grand fumeur.
Quand il est comblé de douleur,
Je fume comme la chaumine
Où se prépare la cuisine
Pour le retour du laboureur.
J'enlace et je berce son âme
Dans le réseau mobile et bleu
Qui monte de ma bouche en feu,
Et je roule un puissant dictame
Qui charme son cœur et guérit
De ses fatigues son esprit.
Nicot- TBphile
- Nombre de messages : 2131
Age : 73
Localisation : Pont-à-Celles - Belgique
Date d'inscription : 20/06/2013
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Selon Alphonse Rabbe dans Album d'un pessimiste :
Jeune homme, allume ma pipe ; allume et donne, pour que je chasse un peu l'ennui de vivre ; pour que je me livre à l'oubli e toutes choses, tandis que ce peuple imbécile, avide de grossières émotions, précipite ses pas vers la pompeuse cérémonie du sacré coeur, dans l'opulente et superstitieuse Marseille.
Pour moi, je hais la multitude et son stupide empressement : je hais ces tréteaux sacrés ou profanes, ces fêtes, aux prix desquels un peuple malheureux consent si aisément à l'oubli des maux qui l'accablent. je hais ces marques d'un servile respect, que la foule abusée prodigue à qui la trompe et l’opprime. Je hais ce culte d'erreur qui absout le crime, contriste l'innocence et pousse au meurtre le fanatique, par ses inhumaines doctrines d'exclusion.
Pardonnons aux dupes ! Tous ceux qui vont là, se sont promis du plaisir. Infortunés humains ! nous poursuivons sur toutes les routes ce fantôme attrayant. N'être pas où l'on est, changer de place et d'affections, quitter le supportable pour le pire ; voguer de nouveautés en nouveautés pour obtenir une sensation d lus ; vieillir chargé de désirs non satisfaits, mourir enfin d'avoir vécu, telle est notre destinée.
Que cherché-je moi-même au fond de ton petit fourneau, ô ma pipe ? Je cherche, comme un alchimiste, à transmuer les chagrins du présent en passagères délices. je pompe ta vapeur à coups pressés, pour porter dans mon cerveau une heureuse confusion, un rapide délire préférable à la froide réflexion. je cherche le doux oubli de ce qui est, le rêve de ce qui n'est pas, et même de ce qui ne peut pas être.
Tu me fais payer tes consolations faciles : le cerveau s’use et s'alanguit peut‑être, par le retour journalier de ces mouvements désordonnés. La pensée devient paresseuse, et l'imagination se fait vagabonde, par l'habitude d'ébaucher en vacillant d'agréables fictions.
La pipe est la pierre de touche des nerfs : le véritable dynamomètre de la fibre déliée. Jeunes gens qui cachez une organisation délicate et féminine sous es vêtements d'hommes, ne fumez pas, ou redoutez de cruelles convulsions ; et, ce qui serait plus cruel encore, la perte des faveurs de Vénus.
Fumez, au contraire, amants malheureux, esprits ardents et inquiets, obsédés du poids de vos pensées.
Les savants de l'Allemagne tiennent une pipe à côté de leur écritoire. C'est à travers les flots de fumée de tabac, qu'ils poursuivent les vérités de l'ordre intellectuel et transcendantal. Voilà pourquoi leurs ouvrages, toujours un peu nuageux, passent la portée de nos philosophes français, que la mode et les salons obligent de s'imbiber de parfums plus suaves et plus gracieux.
Lorsque le député des muses d'Erlangen arriva dans la maison de Kotzebue, le vieillard, avant que de venir le joindre, lui fit présenter du café et une pipe. Ce signe d'une hospitalité touchante ne désarma point l'intrépide jeune homme : une larme vint mouiller sa paupière ; mais il persista. Pourquoi ? il s'immolait pour la liberté.
Le malheureux travaille le jour ; et le soir, quand son pain est gagné, les bras croisés, devant sa porte en ruines, il dissipe dans la fumée de sa pipe le peu de pensée que le repos de ses membres pourrait lui laisser.
J'honore vos intentions, philosophes modernes qui voulez que cet homme réfléchisse, raisonne, discute, approuve ou blâme, tout comme vous. Par l'exercice de sa pensée, il évitera, je l'avoue, quelques‑uns des nombreux écueils de la vie ; il échappera à quelques embûches ; mais il tombera dans l'abîme du doute et s'instruira tristement du néant de son propre coeur. Ah ! tant que l'ordre éternel ne lui fera pas des destins meilleurs, laissez-le boire et fumer; c'est le plus sûr.
Maupertuis ne fut pas un homme vulgaire : il avait mesuré le pôle, et sondé les mystères de la génération. Enhardi par ses premiers succès, il entreprit de lever le voile qui cache à nos yeux le monde inconnu. Il voulut relever le trépied prophétique de l'avenir ! L'infortuné ! son châtiment suivit de près cette audace insensée...
Maupertuis ne fut pas un homme vulgaire : il avait mesuré le pôle, et sondé les mystères de la génération. Enhardi par ses premiers succès, il entreprit de lever le voile qui cache à nos yeux le monde inconnu. Il voulut relever le trépied prophétique de l'avenir ! L'infortuné ! son châtiment suivit de près cette audace insensée...
Bientôt, se plongeant dans l'oubli de lui‑même, il se tua par l'usage immodéré des spiritueux. N'eût‑il pas mieux valu pour lui, fumer et moins penser ? s'étourdir doucement chaque jour, au lieu de s’empoisonner en désespéré, à grands flots d'eau-de-vie! Objet digne de pitié, même pour ces misérables Lapons, qu'il avait si curieusement observés!
O ma pipe, que je te dois de biens ! Qu'un importun, un sot discoureur, un méprisable fanatique vienne à m'aborder, soudain je tire un cigare de mon étui ; je commence à fumer, et dès lors si je suis condamné au déplaisir de l'entendre, j'échappe du moins au supplice de lui répondre.
Par intervalles, un sourire amer fait contracter mes lèvres ; et le sot s'applaudit, croyant que je l'approuve. Il attribue à l'effet du cigare indiscret 1’expression équivoque dont je paie son babil... il redouble d audace... Mais suffoqué de son impertinence, je pousse tout à coup les flots d'une épaisse fumée amassée dans ma bouche, comme le dépit dans mon sein.
J'exhale tout à la fois une vapeur brûlante et une indignation contrainte. Oh ! que la sottise d'autrui est nauséabonde à qui déjà est mécontent et las de son propre poids !... je le submerge de fumée... que ne puis-je 1’asphyxier, le sot, de la lave de mon petit volcan ! ...
Mais lorsqu'un ami, aimable d'esprit et de coeur, vient au‑devant de moi, le plaisir de la pipe me rend plus vif encore le bonheur de cette rencontre. Après les premiers discours qui s'élancent rapides, tandis que le punch enflammé dissipe, dans la flamme pétillante, les parties spiritueuses dont la liqueur surabonde, les verres se touchent... Ami, de ce jour en un an, puissions‑nous vider la coupe fraternelle, sous des auspices meilleurs !
Alors nous allumons nos cigares : pressé de lui parler de mille choses diverses, je laisse souvent éteindre le mien, et il me donne de son feu... je suis comme un vieil époux qui rallume vingt fois de suite, sur les lèvres d'une jeune beauté, 1’énergie de sa flamme vingt fois impuissante ; ô mon ami, quand donc luiront des jours plus heureux ?
Dis‑le moi, mon ami : dans les lieux d'où tu viens, les hommes sont‑ils pleins d'espérance et de courage ? Gardent‑ils une fidélité constante au culte de notre grande divinité ? Combien de temps encore nous faudra‑t‑il ronger le frein humiliant qui nous condamne au silence...
Qu'il me tarde de jeter ma part de servitude ! Qu'il me tarde de voir réduire en poudre les titres vains de la tyrannie qui nous opprime ! De voir les cendres d'un diadème déshonoré se dissiper au souffle des patriotes, comme la cendre de ma pipe se dissipe au mien. Mon âme est lasse d'attendre je calcule avec effroi les manoeuvres d'une ténébreuse perversité.
Regarde comme ce peuple, soulevé tout entier par l'infâme secte de Loyola, court se précipiter au-devant de leurs bizarres processions : vieux et jeunes, hommes et femmes, tous s'empressent de recevoir leurs hypocrites et inutiles bénédictions. Les imbéciles ! Si la peste passait en procession, ils iraient la voir aussi. Dis‑moi ? Un tel peuple est‑il fait pour la liberté ? N'est‑il pas plutôt condamné à vieillir enfant dans les langes d'un double esclavage ?
Heureusement la liberté a ses secrets et ses ressources. Ce peuple, qui nous semble à jamais abruti, s'instruit cependant, et s'éclaire chaque jour : pardonnons aux esclaves de courir aux distractions. Souffrons qu'une mère impudique se flatte que ses filles passeront pour vierges, quand elles auront été bénies. Ne nous étonnons pas que de vieux scélérats espèrent suer le levain du crime, en se fatiguant à porter des simulacres méprisés.
Les hommes sont encore enfants ; pourtant le genre humain grandit, et brise, en marchant, ses lisières. Le temps approche où il n'écoutera plus le boiteux qui criera d'arrêter, où il ne demandera plus son chemin à l'aveugle. Que le monde s'éclaire, Dieu le veut... Pour nous, fumons en attendant une aurore nouvelle.
O ma pipe ! Je te dois chaque jour cet emblème expressif d’humilité que la religion ne place qu’une fois par an sur le front de 1’adorateur chrétien. L'homme n est que cendre et poussière... C'est, en effet, tout ce qui reste à la fin, du coeur le plus tendre ou le plus magnanime, du coeur le plus enivré de joie et d'orgueil, ou le plus consumé de peines amères.
Ce faible reste, ces cendres mêmes le plus léger zéphyr les dissipe dans le vague de l'air. Où donc est maintenant la poussière d'Alexandre, la cendre de Gengis ? Ils ne sont plus que de vains fantômes historiques ; que es noms sonores, objet d'enthousiasme vain, ou d'inutiles malédictions.
Je périrai bientôt : tout ce qui compose mon être et le nom même dont on me nomme, disparaîtra comme cette légère fumée... Dans quelques jours, peut‑être, à la place où j'écris, on ne saura pas même si ai jamais vécu... Mais, de ce corps si périssable, s'exhalera‑t‑il quelque chose qui ne périsse pas et s'élève en haut ? Réside‑t‑il en effet dans l'homme une étincelle digne d'allumer le calumet des anges sur le parvis des cieux ? ...
O ma Pipe ! chasse, bannis ce désir ambitieux et funeste de l'inconnu, de l'impénétrable.
Nicot- TBphile
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Age : 73
Localisation : Pont-à-Celles - Belgique
Date d'inscription : 20/06/2013
Re: Pipes et tabac dans la littérature
la Pipe au Poète |
Tristan Corbières, les amours jaunes, 1873 |
Sa nourrice, et : j'endors sa Bête.
Quand ses chimères éborgnées
Viennent se heurter à son front,
Je fume... Et lui, dans son plafond,
Ne peut plus voir les araignées.
... Je lui fais un ciel, des nuages,
La mer, le désert, des mirages ;
- Il laisse errer là son œil mort...
Et, quand lourde devient la nue,
Il croit voir une ombre connue,
- Et je sens mon tuyau qu'il mord...
- Un autre tourbillon délie
Son âme, son carcan, sa vie !
... Et je me sens m'éteindre. - Il dort -
.............................................
- Dors encor : la Bête est calmée,
File ton rêve jusqu'au bout...
Mon pauvre ! ... la fumée est tout.
- S'il est vrai que tout est fumée...
Nicot- TBphile
- Nombre de messages : 2131
Age : 73
Localisation : Pont-à-Celles - Belgique
Date d'inscription : 20/06/2013
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Merci énormément pour ces beaux textes, ami Nicot !
DAN- Administrateur
- Nombre de messages : 8430
Age : 64
Localisation : Repentigny, Québec
Date d'inscription : 17/05/2010
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Concours de Fumeurs de pipe / Emile Verhaeren
« C'est aujourd’hui,
Au cabaret du jour et de la nuit,
Qu’on sacrera
Maître et Seigneur des vrais fumeurs
Celui
Qui maintiendra
Le plus longtemps,
Devant les juges compétents,
Une même pipe allumée.
Or, qu’à tous soit légère
La Bière,
Et soit docile la fumée.»
Ont pris place, sur double rang,
Près des tables, le long des bancs
Les grands fumeurs de Flandre et de Brabant.
Déjà, depuis une heure ils fument,
À petits coups, à mince brume
Le gros et compact tabac,
Qu’à resserré, avec une ardeur douce,
Leur pouce,
En des pipes neuves de Gouda.
Ils fument tous, et tous se taisent,
La bouche au frais, le ventre à l’aise ;
Ils fument tous et se surveillent
Du coin de l’œil et de l’oreille.
Ils fument tous méticuleusement,
Sans nulle hâte aventurière,
Si bien que l’on n’entend
Que l’horloge de cuivre et son tictaquement,
Ou bien encore, de temps en temps,
Le flasque et lourd écrasement
D’un crachat blanc contre les pierres.
Et tous, ils fumeraient ainsi,
Et les grands juges réunis
Inépuisablement, tout un après-midi.
N’était que les novices
Ne se doutent bientôt, à maints indices,
Que leur effort touche à sa fin,
Et que le feu, entre leurs mains,
S’éteint.
Mais eux, les vieux restent fermes. En vain
Les petites volutes
Tracent peut-être, avec leurs fins réseaux,
Le nom du vainqueur de la lutte,
Près du plafond, là-haut ;
Ils s’entêtent à n’avoir d’yeux
Minutieux
Que pour leur pipe, où luit et bouge
Le seul point rouge,
Dont leur pensée ait le souci.
Ils le tiennent à leur merci,
Ils le couvent à l’étouffée
Laissant de moins en moins les subtiles bouffées
Passer entre leurs lèvres minces
Comme des pinces.
O leur savoir est malicieux,
Et leurs gtestes mystérieux,
Et ce qu’il faut de temps et d’heures
Avant
Qu’un foyer clair, entre leurs doigts fervents
Ne meure !
Ils étaient dix, les voici cinq ; ils restent trois ;
Et de ceux-ci, le moins adroit,
Malgré les cris et les disputes,
Se lève et déserte la lutte.
Enfin, les deux plus forts, les deux derniers,
Un corroyeur, un batelier,
Barbe roussâtre et barbe grise
Le cœur ardant et sûr, se maintiennent aux prises.
Et c’est alors un unanime enfièvrement :
On se bouscule et l’on se regarde
Ces deux maîtres restant superbement
Calmes, parmi la foule hagarde,
Et qui fument, et se taisent jusqu’au moment,
Où tout à coup, celui de Flandre,
Tâtant du doi-gt le fond du fourneau d’or,
Pâlit, en ne trouvant que cendres ;
Tandis que l’autre émet encor
Patiemment à petites secousses,
Un menu flot de brouillard bleu,
Et ne prétend cesser le jeu
Qu’après avoir versé trois derniers brins de feu,
Victorieux,
Sur l’ongle pâle de son pouce.
Au cabaret du Jour et de la Nuit
Confèrent dans la grand’chambre,
Au champion du Vieux Brabant,
Luttant
Contre celui de Flandre,
Une pipe d’écume et d’ambre
Avec des fleurs et des rubans.
« C'est aujourd’hui,
Au cabaret du jour et de la nuit,
Qu’on sacrera
Maître et Seigneur des vrais fumeurs
Celui
Qui maintiendra
Le plus longtemps,
Devant les juges compétents,
Une même pipe allumée.
Or, qu’à tous soit légère
La Bière,
Et soit docile la fumée.»
Ont pris place, sur double rang,
Près des tables, le long des bancs
Les grands fumeurs de Flandre et de Brabant.
Déjà, depuis une heure ils fument,
À petits coups, à mince brume
Le gros et compact tabac,
Qu’à resserré, avec une ardeur douce,
Leur pouce,
En des pipes neuves de Gouda.
Ils fument tous, et tous se taisent,
La bouche au frais, le ventre à l’aise ;
Ils fument tous et se surveillent
Du coin de l’œil et de l’oreille.
Ils fument tous méticuleusement,
Sans nulle hâte aventurière,
Si bien que l’on n’entend
Que l’horloge de cuivre et son tictaquement,
Ou bien encore, de temps en temps,
Le flasque et lourd écrasement
D’un crachat blanc contre les pierres.
Et tous, ils fumeraient ainsi,
Et les grands juges réunis
Inépuisablement, tout un après-midi.
N’était que les novices
Ne se doutent bientôt, à maints indices,
Que leur effort touche à sa fin,
Et que le feu, entre leurs mains,
S’éteint.
Mais eux, les vieux restent fermes. En vain
Les petites volutes
Tracent peut-être, avec leurs fins réseaux,
Le nom du vainqueur de la lutte,
Près du plafond, là-haut ;
Ils s’entêtent à n’avoir d’yeux
Minutieux
Que pour leur pipe, où luit et bouge
Le seul point rouge,
Dont leur pensée ait le souci.
Ils le tiennent à leur merci,
Ils le couvent à l’étouffée
Laissant de moins en moins les subtiles bouffées
Passer entre leurs lèvres minces
Comme des pinces.
O leur savoir est malicieux,
Et leurs gtestes mystérieux,
Et ce qu’il faut de temps et d’heures
Avant
Qu’un foyer clair, entre leurs doigts fervents
Ne meure !
Ils étaient dix, les voici cinq ; ils restent trois ;
Et de ceux-ci, le moins adroit,
Malgré les cris et les disputes,
Se lève et déserte la lutte.
Enfin, les deux plus forts, les deux derniers,
Un corroyeur, un batelier,
Barbe roussâtre et barbe grise
Le cœur ardant et sûr, se maintiennent aux prises.
Et c’est alors un unanime enfièvrement :
On se bouscule et l’on se regarde
Ces deux maîtres restant superbement
Calmes, parmi la foule hagarde,
Et qui fument, et se taisent jusqu’au moment,
Où tout à coup, celui de Flandre,
Tâtant du doi-gt le fond du fourneau d’or,
Pâlit, en ne trouvant que cendres ;
Tandis que l’autre émet encor
Patiemment à petites secousses,
Un menu flot de brouillard bleu,
Et ne prétend cesser le jeu
Qu’après avoir versé trois derniers brins de feu,
Victorieux,
Sur l’ongle pâle de son pouce.
Au cabaret du Jour et de la Nuit
Confèrent dans la grand’chambre,
Au champion du Vieux Brabant,
Luttant
Contre celui de Flandre,
Une pipe d’écume et d’ambre
Avec des fleurs et des rubans.
Nicot- TBphile
- Nombre de messages : 2131
Age : 73
Localisation : Pont-à-Celles - Belgique
Date d'inscription : 20/06/2013
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Merci Nicot
Gonzague- TBfan
- Nombre de messages : 6300
Age : 69
Localisation : Centre
Date d'inscription : 05/12/2008
Re: Pipes et tabac dans la littérature
C'est vraiment un plaisir de lire des textes si bien écrit et d'avantage encore concernant l'objet en relation avec notre passion.
Merci Nicot
Merci Nicot
Invité- Invité
Re: Pipes et tabac dans la littérature
merci Nicot, un régal!
serbru- TBphile
- Nombre de messages : 1217
Age : 70
Localisation : Essonne
Date d'inscription : 13/12/2012
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Lire un bon bouquin en fumant sa pipe ont toujours fait bon ménage.
Hein ? Quoi ? Pardon ? Vous avez dit ?
...... "Accompagné d'un bon petit vin" ?
Ha oui, pas bête, je n'y avais pas pensé
Hein ? Quoi ? Pardon ? Vous avez dit ?
...... "Accompagné d'un bon petit vin" ?
Ha oui, pas bête, je n'y avais pas pensé
Stout- TBphile
- Nombre de messages : 4727
Age : 66
Localisation : Paris
Date d'inscription : 20/09/2012
Re: Pipes et tabac dans la littérature
... ce qui n'empêche pas de tourner sa phrase comme un sagouin ...
Stout- TBphile
- Nombre de messages : 4727
Age : 66
Localisation : Paris
Date d'inscription : 20/09/2012
Re: Pipes et tabac dans la littérature
Superbe récit, merci Nicot
pepere- ANIMATEUR FR
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Date d'inscription : 04/09/2010
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