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Sam 29 Nov - 1:13 par Admin

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La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Empty Re: La brève de l'admin "fumer au féminin"

Message par Invité Mar 13 Déc - 19:41

Passionnant,bien sur. Le titre Hommes,femmes,la construction de la
différence,porte bien en lui la définition du dernier paragraphe que tu
nous décrit. Le fait que l'auteur soit une femme est sans doute le
garant d'une analyse beaucoup plus fine que nous pourrions le faire,
empêtré que nous sommes dans notre supériorité masculine.
Grand merci.
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La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Empty Re: La brève de l'admin "fumer au féminin"

Message par Invité Mar 13 Déc - 20:25

Sans doute l'expérience d'une vie de femme, de femme courageuse remarquablement intelligente et cultivée ce qui ne gâche rien, rend-elle plus sensibles certaines à bien des aspects de cette problématique qui paraîtraient peut-être avec moins d'évidence à leurs congénères masculins. Mais, il n'y a pas là de raisons de se flageller non plus. Des hommes savent aussi apporter à de telles questions des éclairages tout à fait intéressants qui, sur le mode le plus coopératif qui soit, contribueront vraisemblablement pour leur part et sur le long terme à l'élaboration d'une "civilisation humaine" un peu plus équilibrée.

En voici un premier exemple :

Ces distinctions critiques n’ont rien de gratuit : elles impliquent en effet que la révolution
symbolique qu’appelle le mouvement féministe ne peut se réduire à une simple conversion
des consciences et des volontés. Du fait que le fondement de la violence symbolique réside
non dans des consciences mystifiées qu’il suffirait d’éclairer mais dans des dispositions ajustées
aux structures de domination dont elles sont le produit, on ne peut attendre une rupture de
la relation de complicité que les victimes de la domination symbolique accordent aux dominants
que d’une transformation radicale des conditions sociales de production des dispositions
qui portent les dominés à prendre sur les dominants et sur eux-mêmes le point de vue même
des dominants.

La violence symbolique ne s’accomplit qu’à travers un acte de connaissance et de méconnaissance
pratique qui s’effectue en deçà de la conscience et de la volonté et qui confère leur «
pouvoir hypnotique » à toutes ses manifestations, injonctions, suggestions, séductions, menaces,
reproches, ordres ou rappels à l’ordre. Mais un rapport de domination qui ne fonctionne
qu’à travers la complicité des dispositions dépend profondément, pour sa perpétuation ou sa
transformation, de la perpétuation ou de la transformation des structures dont ces dispositions
sont le produit (et en particulier de la structure d’un marché des biens symboliques dont la loi
fondamentale est que les femmes y sont traitées comme des objets qui circulent de bas en
haut).

Pierre BourdieuLa Domination masculine
Extrait du chapitre intitulé « La violence symbolique – [pp. 49-50]
Éditions 00h00.com – 1998


Mais, comme le dit bien Sasha Weitman, la coupure avec l’ordre ordinaire ne s’accomplit
pas d’un coup et une fois pour toutes. C’est seulement par un travail de tous les instants, sans
cesse recommencé, que peut être arrachée aux eaux froides du calcul, de la violence et de
l’intérêt "l’île enchantée" de l’amour, ce monde clos et parfaitement autarcique qui est le lieu
d’une série continuée de miracles : celui de la non-violence, que rend possible l’instauration
de relations fondées sur la pleine réciprocité et autorisant l’abandon et la remise de nonviolence
celui de la reconnaissance mutuelle, qui permet, comme dit Sartre, de se sentir
"justifié d’exister", assumé, jusque dans ses particularités les plus contingentes ou les plus
négatives, dans et par une sorte d’absolutisation arbitraire de l’arbitraire d’une rencontre
("parce que c’était lui, parce que c’était moi"); celui du désintéressement qui rend possibles
des relations désinstrumentalisées, fondées sur le bonheur de donner du bonheur, de trouver
dans l’émerveillement de l’autre, notamment devant l’émerveillement qu’il suscite, des
raisons inépuisables de s’émerveiller. Autant de traits, portés à leur plus haute puissance, de
l’économie des échanges symboliques, dont la forme suprême est le don de soi, et de son
corps, objet sacré, exclu de la circulation marchande, et qui, parce qu’ils supposent et
produisent des relations durables et non instrumentales, s’opposent diamétralement, comme
l’a montré David Schneider, aux échanges du marché du travail, transactions temporaires et
strictement instrumentales entre des agents quelconques, c’est-à-dire indifférents et
interchangeables – dont l’amour vénal ou mercenaire, véritable contradiction dans les termes,
représente la limite universellement reconnue comme sacrilège.

L’"amour pur", cet art pour l’art de l’amour, est une invention historique relativement récente,
comme l’art pour l’art, amour pur de l’art avec qui il a partie liée, historiquement et
structuralement. Il ne se rencontre sans doute que très rarement dans sa forme la plus
accomplie et, limite presque jamais atteinte – on parle alors d’"amour fou" –, il est
intrinsèquement fragile, parce que toujours associé à des exigences excessives, des "folies"
(n’est-ce pas parce qu’on y investit tant que le "mariage d’amour" s’est révélé si fortement
exposé au divorce ?) et sans cesse menacé par la crise que suscite le retour du calcul égoïste
ou le simple effet de la routinisation. Mais il existe assez, malgré tout, surtout chez les
femmes, pour être institué en norme, ou en idéal pratique, digne d’être poursuivi pour luimême
et pour les expériences d’exception qu’il procure. L’aura de mystère dont il est entouré,
notamment dans la tradition littéraire, peut se comprendre aisément d’un point de vue
strictement anthropologique : fondée sur la mise en suspens de la lutte pour le pouvoir
symbolique que suscitent la quête de la reconnaissance et la tentation corrélative de dominer,
la reconnaissance mutuelle par laquelle chacun se reconnaît dans un autre qu’il reconnaît
comme un autre lui-même et qui le reconnaît aussi comme tel peut conduire, dans sa parfaite
réflexivité, au-delà de l’alternative de l’égoïsme et de l’altruisme et même de la distinction du
sujet et de l’objet, jusqu’à l’état de fusion et de communion, souvent évoqué dans des
métaphores proches de celles de la mystique, où deux êtres peuvent "se perdre l’un dans
l’autre" sans se perdre. S’arrachant à l’instabilité et à l’insécurité caractéristiques de la
dialectique de l’honneur qui, bien que fondée sur une postulation d’égalité, est toujours
exposée à l’emballement dominateur de la surenchère, le sujet amoureux ne peut obtenir la
reconnaissance que d’un autre sujet, mais qui abdique, comme lui-même, l’intention de
dominer. Il remet librement sa liberté à un maître qui lui remet lui-même la sienne, coïncidant
avec lui dans un acte de libre aliénation indéfiniment affirmé (à travers la répétition sans
redondance du "je t’aime"). Il s’éprouve comme un créateur quasi divin qui fait, ex nihilo, la
personne aimée à travers le pouvoir que celle-ci lui accorde (notamment le pouvoir de
nomination, manifesté dans tous les noms uniques et connus d’eux seuls que se donnent
mutuellement les amoureux et qui, comme dans un rituel initiatique, marquent une nouvelle
naissance, un premier commencement absolu, un changement de statut ontologique); mais un
créateur qui, en retour et simultanément, se vit, à la différence d’un Pygmalion égocentrique
et dominateur, comme la créature de sa créature.

Reconnaissance mutuelle, échange de justifications d’exister et de raisons d’être, témoignages
mutuels de confiance, autant de signes de la réciprocité parfaite qui confère au cercle dans
lequel s’enferme la dyade amoureuse, unité sociale élémentaire, insécable et dotée d’une
puissante autarcie symbolique, le pouvoir de rivaliser victorieusement avec toutes les
consécrations que l’on demande d’ordinaire aux institutions et aux rites de la "Société", ce
substitut mondain de Dieu.

Pierre BourdieuLa Domination masculine
Extrait du sous-chapitre intitulé « Post-Scriptum sur la domination et l’amour » – [pp. 120-122]
Éditions 00h00.com – 1998


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La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Empty Re: La brève de l'admin "fumer au féminin"

Message par Invité Mar 13 Déc - 20:43

Et un second qui présente en outre l'avantage de faire clairement paraître que, si étrange que cela puisse sembler, les mouvements homosexuels, aussi bien que ceux qui sont à la recherche d'une hétérosexualité digne de ce nom, se sont et se trouvent pareillement confrontés aux paradoxes plutôt retors de structures qui, dans leur incapacité à définir une différence opérationnelle des genres susceptible de tenir la route, limitent les possibilités d'épanouissement diverses offertes par les mouvances que je viens d'évoquer :


C’est en historien, plus précisément en historien des sociétés médiévales, que je m’approche d’un objet d’histoire, mais qui est d’abord un objet littéraire, de cette chose étrange, l’amour que nous disons courtois et que les contemporains de son premier épanouissement appelaient fine amour. Je voudrais soumettre à la réflexion quelques propositions quant à ce que l’on peut entrevoir de la réalité des attitudes que décrivent, dans la seconde moitié du XIIe siècle, en France, des poèmes et des oeuvres romanesques, m’interrogeant sur les correspondances entre ce qu’exposent ces chansons et ces romans et, d’autre part, l’organisation vraie des pouvoirs et des relations de société.

J’ai le sentiment ainsi de m’aventurer imprudemment, et pour deux raisons : d’abord parce que je n’ai, de ces formes littéraires, qu’une connaissance, si je puis dire, seconde; ensuite et surtout, parce que je bute aussitôt sur cette question, à laquelle pour les époques anciennes il est si difficile de répondre : quelle sorte de rapports une littérature de ce genre, une littérature de rêve, d’évasion, de compensation, peut-elle entretenir avec les comportements concrets ? Du moins, un fait est assuré. Cette littérature fut reçue, sans quoi il n’en resterait rien (encore que l’état de la tradition manuscrite porte à se demander si la réception fut si rapide). Mais il y eut réception, et par conséquent jeu de reflets, double réfraction. Pour être écoutées, il fallait bien que ces oeuvres fussent de quelque manière en rapport avec ce qui préoccupait les gens pour qui elles étaient produites, avec leur situation réelle. Inversement, elles ne furent pas sans infléchir les manières de se conduire parmi ceux qui leur prêtaient attention. Ceci autorise l’historien à confronter le contenu de ces ouvrages à ce qu’il peut connaître par d’autres témoignages des structures et de l’évolution de la société féodale. Je me risque donc à le faire.

Je réduis, au départ, à son expression la plus schématique le modèle initial correspondant à l’amour dit courtois, sans prendre en considération les glissements qui, au cours du XIIe siècle, le déformèrent. Voici la figure : un homme, un « jeune », au double sens de ce mot, au sens technique qu’il avait à l’époque, j’entends un homme sans épouse légitime, et puis au sens concret, un homme effectivement jeune, dont l’éducation n’était pas achevée. Cet homme assiège, dans l’intention de la prendre, une dame, c’est-à-dire une femme mariée, par conséquent inaccessible, imprenable, une femme entourée, protégée par les interdits les plus stricts élevés par une société lignagère dont les assises étaient des héritages se transmettant en ligne masculine, et qui par conséquent tenait l’adultère de l’épouse pour la pire des subversions, menaçant de terribles châtiments son complice. Donc au coeur même du schéma, le danger. En position nécessaire. Parce que, d’une part, tout le piquant de l’affaire venait du péril affronté (les hommes de ce temps jugeaient avec raison plus excitant de chasser la louve que la bécasse) et parce que d’autre part, il s’agissait d’une épreuve dans le cours d’une formation continue, et que plus l’épreuve est périlleuse, plus elle est formatrice.

Ce que je viens de dire situe très précisément, me semble-t-il, ce modèle de relation entre le féminin et le masculin. La fine amour est un jeu. Éducatif. C’est l’exact pendant du tournoi. Comme au tournoi, dont la grande vogue est contemporaine de l’épanouissement de l’érotique courtoise, l’homme bien né risque dans ce jeu sa vie, met en aventure son corps (je ne parle pas de l’âme : l’objet dont j’essaie de reconnaître la place fut alors forgé pour affirmer l’indépendance d’une culture, celle des gens de guerre, arrogante, résolument dressée, dans la joie de vivre, contre la culture des prêtres). Comme au tournoi, le jeune homme risque sa vie dans l’intention de se parfaire, d’accroître sa valeur, son prix, mais aussi de prendre, prendre son plaisir, capturer l’adversaire après avoir rompu ses défenses, après l’avoir désarçonné, renversé, culbuté.

L’amour courtois est une joute. Mais à la différence de ces duels qui s’engageaient entre guerriers, soit au milieu des affrontements tumultueux opposant les tournoyeurs, soit dans le champ clos des ordalies judiciaires, la joute amoureuse oppose deux partenaires inégaux dont l’un est, par nature, destiné à tomber. Par nature. Physique. Par les lois naturelles de la sexualité. Car il s’agit bien de cela et que ne parviennent pas à dissimuler le voile des sublimations, tous les transferts imaginaires du corps au coeur. Ne nous méprenons pas. L’oeuvre admirable d’André, chapelain du roi de France Philippe Auguste, son traducteur français Claude Buridant l’intitule Traité de l’amour courtois. Mais une jeune médiéviste américaine, Betsy Bowden, choisit un titre mieux ajusté, The Art of courtly copulation, et, tout récemment, Danièle Jac¬quart et Claude Thomasset proposent de lire ce texte comme un manuel de sexologie. En effet, les exercices ludiques dont je parle exaltaient cette valeur que l’époque plaçait au sommet des valeurs viriles, c’est-à-dire de toutes les valeurs, la véhémence sexuelle, et pour que s’avivât le plaisir de l’homme, il l’appelait à discipliner son désir.

Je réfute sans hésitation les commentateurs qui ont vu dans l’amour courtois une invention féminine. C’était un jeu d’hommes, et parmi tous les écrits qui invitèrent à s’y adonner, il en est peu qui ne soient, en profondeur, marqués de traits parfaitement misogynes. La femme est un leurre, analogue à ces mannequins contre lesquels le chevalier nouveau se jetait, dans les démonstrations sportives qui suivaient les cérémonies de son adoubement. La dame n’était-elle pas conviée à se parer, à masquer, démasquer ses attraits, à se refuser longtemps, à ne se donner que parcimonieusement, par concessions progressives, afin que, dans les prolongements de la tentation et du danger, le jeune homme apprenne à se maîtriser, à dominer son corps ?

Épreuve, pédagogie, et toutes les expressions littéraires de l’amour courtois doivent être placées dans le fil du très vigoureux élan de progrès dont l’intensité culmina durant la seconde moitié du XIIe siècle. Elles sont à la fois l’instrument et le produit de cette croissance qui dégageait rapidement de la sauvagerie la société féodale, qui la civilisait. La proposition, la réception d’une forme nouvelle de rapports entre les deux sexes ne se comprennent que par référence à d’autres manifestations de ce flux. Je ne pense pas, ce qui surprendra peut-être, à une particulière promotion de la femme. En effet, je n’y crois guère. Il y eut bien promotion de la condition féminine mais, en même temps, aussi vive, promotion de la condition masculine, si bien que l’écart resta le même, et les femmes demeurèrent à la fois craintes, méprisées et étroitement soumises, ce dont d’ailleurs témoigne au premier chef la littérature de courtoisie. Non, je pense à ce mouvement qui fit alors l’individu, la personne se dégager de la grégarité, je pense à ce qui, émanant des centres d’études ecclésiastiques, livrait à la société mondaine la menue monnaie, d’une part des réflexions des penseurs sacrés sur l’incarnation et sur la caritas, d’autre part l’écho quelque peu gauchi d’une lecture assidue des classiques latins.

De toute évidence, les héros masculins que proposaient en modèle les poètes et les narrateurs de cours furent admirés, furent imités dans la seconde moitié du XIIe siècle. Les chevaliers, au moins dans l’entourage des plus grands princes, se prirent au jeu. La chose est sûre : si Guillaume le Maréchal, encore célibataire, fut accusé d’avoir séduit l’épouse de son seigneur, c’est que de telles entreprises n’étaient pas exceptionnelles. Les chevaliers se prirent au jeu parce que les règles de celui-ci aidaient à mieux poser, sinon à résoudre, quelques problèmes de société, brûlants, qui se posaient à l’époque et dont je voudrais dire en quelques mots comment, à mon sens, leurs données s’articulaient aux propositions de la fine amour.

Je commencerai par le privé, c’est-à-dire par les questions soulevées quant aux relations entre l’homme et la femme par les stratégies matrimoniales menées dans la société aristocratique. J’ai écrit déjà de diverses façons de ces stratégies et de la morale qui les soutenait. Je me résumerai, affirmant seulement qu’elles me paraissent avoir préparé directement le terrain pour la joute entre le jeune et la dame. Les sévères restrictions à la nuptialité des garçons multipliaient en effet dans ce milieu social les hommes non mariés, jaloux de ceux qui tenaient une épouse en leur lit, frustrés. Je n’évoque pas les frustrations sexuelles – elles trouvaient aisément à se défouler. J’évoque l’espoir obsédant de s’emparer d’une compagne légitime, afin de fonder sa propre maison, de s’établir, et les fantasmes d’agression et de rapt nourris par cette obsession. Par ailleurs, les accords d’épousailles se concluaient presque toujours sans tenir le moindre compte des sentiments des deux promis; le soir des noces, une enfant trop jeune, à peine pubère, était livrée à un garçon violent qu’elle n’avait jamais vu. Intervenait enfin cette ségrégation qui, passé l’âge de sept ans, installait garçons et filles dans deux univers totalement séparés. Tout s’alliait donc pour que s’institue entre les conjoints, non pas une relation fervente, comparable à ce qu’est pour nous l’amour conjugal, mais un rapport froid d’inégalité : dilection condescendante, au mieux, de la part du mari, révérence apeurée, au mieux, de la part de sa femme.

Or ces circonstances rendaient souhaitable l’édification d’un code dont les préceptes, destinés à s’appliquer à l’extérieur de l’aire de la conjugalité, viendraient comme un complément du droit matrimonial, et se construiraient parallèlement à celui-ci. Rüdiger Schnell a, en Allemagne, montré magistralement que l’intention d’André le Chapelain fut de transporter dans le domaine du jeu sexuel toutes les règles que les moralistes d’Église venaient d’ajuster à propos du mariage. Un tel code était nécessaire pour comprimer la brutalité, la violence dans ce progrès que j’évoquais vers la civilité. On attendait que ce code, ritualisant le désir, orientât vers la régularité, vers une sorte de légitimité, les insatisfactions des époux, de leurs dames, et surtout de cette foule inquiétante d’hommes turbulents que les usages familiaux contraignaient au célibat.

Fonction de régulation, d’ordonnance, et ceci me conduit à considérer une autre catégorie de problèmes, ceux-ci touchant à l’ordre public, des problèmes à proprement parler politiques que la codification des relations entre les hommes et les femmes pouvaient aider à résoudre. Cet amour, les historiens de la littérature l’ont à juste titre nommé courtois. Les textes qui nous en font connaître les règles ont tous été composés au XIIe siècle dans des cours, sous l’oeil du prince et pour répondre à son attente. En un moment où l’État commençait à se dégager de l’embroussaillement féodal, où, dans l’euphorie entretenue par la croissance économique, le pouvoir public se sentait de nouveau capable de modeler les rapports de société, je suis persuadé que le mécénat princier a sciemment favorisé l’institution de ces liturgies profanes dont un Lancelot, dont un Gauvain montraient l’exemple. Car c’était un moyen de resserrer l’emprise de la puissance souveraine sur cette catégorie sociale, la plus utile peut-être alors à la reconstitution de l’État, mais la moins docile, la chevalerie. Le code de la fine amour servait en effet les desseins du prince, de deux manières.

Car, d’abord, il rehaussait les valeurs chevaleresques, il affirmait dans le domaine des parades, des illusions, des vanités, la prééminence de la chevalerie que minaient, en fait, insidieusement, l’intrusion de l’argent, la montée des bourgeoisies. L’amour « fine », pratiquée dans l’honestas, fut présentée en effet comme l’un des privilèges du courtois. Le vilain était exclu du jeu. La fine amour devint ainsi critère majeur de distinction. C’était en démontrant sa capacité à se transformer lui-même par un effort de conversion de soi analogue à celui que tout homme devait accomplir s’il voulait, gravissant un degré dans la hiérarchie des mérites, s’introduire dans une communauté monastique, c’était en fournissant la preuve qu’il pouvait convenablement jouer ce jeu, que le parvenu, le négociant enrichi dans les affaires, réussissait à se faire admettre dans ce monde particulier, la cour, fermée, comme l’était par son mur le jardin du Roman de la Rose. Cependant, à l’intérieur de cette clôture, la société courtoise était diverse. Tablant sur cette diversité, le prince entendait la tenir plus étroitement, la dominer. Le rôle du même critère était alors d’accuser l’écart entre les différents corps qui s’affrontaient autour du maître. Dans son extrême « finesse », l’amour ne pouvait être celui du clerc, ni celui du « plébéien » comme dit André le Chapelain, c’est-à-dire de l’homme d’argent. Il caractérisait, parmi les gens de cour, le chevalier.

Au sein même de la chevalerie, le rituel coopérait d’une autre façon, complémentaire, au maintien de l’ordre : il aidait à maîtriser la part de tumulte, à domestiquer la « jeunesse ». Le jeu d’amour, en premier lieu, fut éducation de la mesure. Mesure est l’un des mots-clés de son vocabulaire spécifique. Invitant à réprimer les pulsions, il était en soi facteur de calme, d’apaisement. Mais ce jeu, qui était une école, appelait aussi au concours. Il s’agissait, surpassant des concurrents, de gagner l’enjeu, la dame. Et le senior, le chef de maisonnée, acceptait de placer son épouse au centre de la compétition, en situation illusoire, ludique, de primauté et de pouvoir. La dame refusait à tel ses faveurs, les accordait à tel autre. Jusqu’à un certain point : le code projetait l’espoir de conquête comme un mirage aux limites imprécises d’un horizon factice. « Fantaisies adultériennes », comme dit G. Vinay.

La dame avait ainsi fonction de stimuler l’ardeur des jeunes, d’apprécier avec sagesse, judicieusement, les vertus de chacun. Elle présidait aux rivalités permanentes. Elle couronnait le meilleur. Le meilleur était celui qui l’avait mieux servie. L’amour courtois apprenait à servir, et servir était le devoir du bon vassal. De fait, ce furent les obligations vassaliques qui se trouvèrent transférées dans la gratuité du divertissement, mais qui, en un sens, prenaient aussi plus d’acuité, puisque l’objet du service était une femme, un être naturellement inférieur. L’apprenti, pour acquérir plus de maîtrise de lui-même, se voyait contraint par une pédagogie exigeante, et d’autant plus efficace, de s’humilier. L’exercice qu’on lui demandait était de soumission. Il était aussi de fidélité, d’oubli de soi.

Les jeux de la fine amour enseignaient en vérité l’amistat, comme disaient les troubadours, l’amitié, l’amicitia selon Cicéron, promue, avec toutes les valeurs du stoïcisme, par la Renaissance, par ce retour à l’humanisme classique dont le XIIe siècle fut le temps. Désirer le bien de l’autre plus que le sien propre, le seigneur attendait ceci de son homme. De toute évidence – il suffit pour s’en convaincre de relire les poèmes et les romans – le modèle de la relation amoureuse fut l’amitié. Virile.

Ceci porte à s’interroger sur la vraie nature de la relation entre les sexes. La femme était-elle autre chose qu’une illusion, une sorte de voile, de paravent, au sens que Jean Genet donna à ce terme, ou plutôt qu’un truchement, un intermédiaire, la médiatrice. Il est permis de se demander si, dans cette figure triangulaire, le « jeune », la dame et le seigneur, le vecteur majeur qui, ouvertement, se dirige de l’ami vers la dame, ne ricoche pas sur ce personnage pour se porter vers le troisième, son but véritable, et même s’il ne se projette pas vers celui-ci sans détour. Les remarques formulées par Christiane Marchello Nizia dans un bel article obligent à poser la question : dans cette société militaire, l’amour courtois ne fut-il pas en vérité un amour d’hommes ? Je donnerais volontiers au moins une portion de réponse : servant son épouse, c’était, j’en suis persuadé, l’amour du prince que les jeunes voulaient gagner, s’appliquant, se pliant, se courbant. De même qu’elles étayaient la morale du mariage, les règles de la fine amour venaient renforcer les règles de la morale vassalique. Elles soutinrent ainsi en France dans la seconde moitié du XIIe siècle la renaissance de l’État. Discipliné par l’amour courtois, le désir masculin ne fut-il pas alors utilisé à des fins politiques ? Voici l’une des hypothèses de la recherche que je poursuis, incertaine, tâtonnante.


Georges DubyÀ propos de l’amour que l’on dit courtois
in Mâle Moyen-Âge – [pp. 74 – 82] – Éditions Flammarion –1988


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Message par Invité Jeu 22 Déc - 19:13

Xvarnah rassure moi c'est du copier coller ? vhappy
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Message par Invité Jeu 22 Déc - 21:28

Ce sont des extraits de quelques uns des ouvrages qui font partie de la "boîte à outils" que j'emploie pour travailler à ce Palais du facteur Cheval version Xvarnah dont j'ai dit un mot dans un autre fil, Mathieu. vhappy
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Message par Invité Jeu 22 Déc - 23:22

D'accord vhappy
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Message par Invité Ven 23 Déc - 0:47

Bonsoir Xvarnah,
Quel rapprochement fait tu entre Palais du Facteur
Cheval et ton travail Personnel?
Si je ne suis pas indiscret,mais intéressé...
Je pensais à une étude philosophique ?
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Message par Invité Ven 23 Déc - 2:41

Au début des années 70, à l'université de Nanterre où je préparais une maîtrise, on ne faisait pas de philo à cette époque sans étudier aussi nombre d'autres disciplines telles la linguistique, l'ethnologie, la sociologie, la psychologie voir la psychanalyse, ou encore celles afférent à l'épistémologie.

Je poursuivais simultanément, après une dizaine d'années de "divan", une "didactique*" avec Jacques Lacan tout en participant à ses séminaires qui se déroulaient place du Panthéon ainsi qu'aux travaux de l'École Freudienne de Paris.

Ce parcours, outre ma formation scientifique de départ Math Sup & Spé avec latin grec, m'avait donc donné les bases et le goût d'une approche pluridisciplinaire des questions et problèmes qui m'intéressaient.

Enfin, en parallèle, je pratiquais de puis de longues années la poésie et publiai un premier recueil qui me valut de gagner l'amitié de René Char que je rencontrai pour la première fois, suite à une brève correspondance initiale, à L'Isle sur la Sorgue où il résidait en 1979.

Après avoir quitté Paris pour Avignon, proche de la demeure de René, je décidai d'engager un travail personnel sur le thème de l'altérité des genres, convaincu que, dans un premier temps, les disciplines artistiques seraient le meilleur laboratoire et l'environnement le plus propice à la méditation requise pour mener à bien une telle tâche qui, à mes yeux, requérait en amont de toute réflexion un sérieux travail sur soi-même et des possibilités d'expérimentation qu'aucun cadre d'enseignement traditionnel n'était en mesure de proposer.

Ainsi, il m'et souvent arrivé de me sentir "sur la même longueur d'onde" que le facteur Cheval pour les motifs suivants :

- comme lui, je tentais d'édifier une construction de caractère, sinon "idéale", du moins "utopique";

- à son instar, et de même que cela se produit au cours de toute recherche, fût-elle scientifique, mon travail devait beaucoup aux "pierres" trouvées sur le chemin de mes quotidiennes randonnées au cœur des bibliothèques et de vécus assez peu conventionnels.

Voilà, GEORGES-ALAIN. J'espère avoir répondu aussi clairement que possible à ta question bien naturelle.

______________________

* Était alors nommée "didactique" une tranche d'analyse destinée à former un impétrant au métier d'analyste.


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Message par Invité Ven 23 Déc - 3:07


Il restait un peu du produit préparé, lorsque quelques jours plus tard, on me proposa
un jardin à la campagne. Quelqu’un voulait faire un essai.

Dose faible, endroit calme, ciel dégagé. La personne avait préparé quelques disques.
Au dernier moment elle montra de l’appréhension.

Pour ma part, je commence mal : des serrements de coeur. Décidément devenu impropre
à ces expériences.

Sur elle, l’effet est bon. Une heureuse surprise remplace l’inquiétude et les traits tirés.
Intéressée, elle prend part, distingue, surveille, décrit à voix murmurée les transformations,
de la zone visuelle surtout, creux et plis dans un tableau ou au mur.

Les lointains dans le fond du jardin se laissent davantage apercevoir, « semblent,
dit-elle, vouloir attirer l’attention ».

Lit-elle dans ma pensée, comme elle dira bientôt, ou moi sans rien dire dans la
sienne ? Est-ce l’accroissement simultané de finesse de la perception oculaire, chez elle
comme chez moi, qui soudainement et donc comme exprès paraît désigner des détails
jusque-là non remarqués ?

Apaisée, elle donne ses impressions. C’est la détente, confiance revenue. Le visage
aussi le dit, moins que ses paroles, moins longtemps, plus réfléchi; changeant. Il semble
pour les expressions, doué nouvellement; comme soumis à une manipulation. Témoin
de ce à quoi l’organisme est soumis, mis à l’épreuve, à différentes épreuves et différents
niveaux, par différents organes successivement.

Visage en difficulté, en traitement, intérieurement travaillé. Des paroles cependant
paisibles continuent à en partir : discordances tantôt légères, tantôt fort singulières.
À une remarque prudente que je fais à ce sujet, elle se révèle grandement surprise.
Ainsi elle n’est pas au courant ! Elle ignore qu’elle est assiégée.

Cependant l’ébranlement de son visage continue, progressivement fatigué, étiré,
creusé, chargé, puis reconquis, puis à nouveau éteint, désuni, déplacé, disloqué, ayant
perdu sa symétrie, enfin dégagé, éclairé, non sans être passé curieusement par plusieurs
âges et par des transformations inattendues, indiscrètes, qui se découvrent sans façon, à
quoi j’aimerais réfléchir. Mais le tout est trop rapide et divers.

En peu de temps elle montra une étonnante famille de visages, qu’elle portait sans le
savoir, outre l’ancestrale, et celle de parents (éloignés ou proches), une famille potentielle,
à l’évolution inconnue, que personne sans doute ne lui vit jusque-là; aux caractères
multiples qui dans sa vie resteront susceptibles d’apparaître l’un au détriment du
suivant; lutte à qui dominera l’autre, voilà que par le fait d’organes et de glandes diversement
atteints, ils sont, en raccourci, avec l’humeur corrélative montrés en quelques
minutes, dégagés, étalés, qu’elle ne voit et ne soupçonne pas et continue d’exposer, innocente.
Pour des physionomies différentes, elle dispose, je vois, d’une bonne douzaine sinon
d’une vingtaine de figures incidentes, ou dois-je dire de coeurs, ou d’humeurs.

Étrange révélation, dont je ne ferai sans doute jamais rien, dont elle non plus ne
cherche à rien tirer
[Je souligne - Xvarnah], ne consultant même pas, comme tant d’autres femmes dans son cas
le feraient, un miroir pour connaître et apprécier ses nouveaux traits, son nouvel aspect
et... aviser.

Je ne dis rien et laisse sans commentaires cet incroyable jeu de masques qui continue,
souple sans but, sans utilisation et sans rapports.
[Je souligne - Xvarnah]

Cependant mon coeur en chair et en muscles dans ma poitrine me fait souffrir, entretenant
maux, malaises et pensées de désagrément.

Percevant ma difficulté, on m’apprêta avec des coussins la chaise longue face au
jardin, permettant une meilleure position, d’où résulte un début de soulagement.

Un certain obscur refus de me relâcher, et même de seulement l’essayer, avait probablement
sinon déterminé, du moins augmenté mon mal et empêché une accalmie.
Un disque. Un lied fut mis, puis écarté. Je ne voulais pas d’un entraînement européen
et de cette époque.

Un autre disque, de musique Karnatique lui succéda. Les premières notes, à l’instant
d’une importance inouïe furent comme frappées à l’intérieur de l’oreille même. Musique
telle qu’on n’en avait jamais de la vie entendu d’aussi près. Elle nous cueillait au
passage. Force intérieure de l’Inde, encore intensifiée; celle-ci apportait prééminence,
poussait à la grandeur, alliée à de la ferveur, à une ferveur impersonnelle.
Comme l’eau avance dans le lit d’un fleuve, pareillement la musique avançait dans
le lit de mon être, entretenant, entraînant ampleur, et aspiration à l’ampleur.

Mon mal avait disparu et l’appréhension.
C’était oublié.

Par des brisements de toutes sortes, et surtout d’une étrange sorte, la musique élue
avait tout recouvert de sa façon unique.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

puis se trouva perdue en moi, perdue en tant qu’indépendante parmi une mer plus
vaste.

Et le jardin fut présent, tout autrement présent.
Depuis le début une profondeur subtile avait gagné son extrémité. Il s’agissait à présent
d’une toute autre chose, et même d’un tout autre jardin.

La musique sans plus ressortir s’était unie à lui, d’une union dont je n’avais aucune
idée, si intime que je l’oubliais, union particulièrement forte avec l’arbre dominant qui
s’y trouvait, à la double couronne très feuillue, agitée, agitée, sans arrêt, en mouvements
inégaux, embrassés par une brise devenue « passionnée », ensemble inouï.
En des centaines de rameaux et de feuilles passaient et comme paissaient des aspirations
insensées que les sons d’une invisible « vina » rendaient merveilleusement généreuses,
naturelles, débordantes.

Sans caractère comme sans style lorsqu’en entrant et passant devant, je le vis si peu
prometteur, le jardin quelconque se trouva alors d’emblée mué, devenu jardin paradisiaque...
et moi devant à quelques pas, et si naturellement que je ne savais plus depuis
combien de temps j’y étais, au Jardin des jardins, celui où l'on ne songe à rien de plus,
qui vous comble et par aucune chose au monde, même pas par du temps ne peut être
dépassé, un vrai jardin de paradis.

C’était donc possible, et pas de pomme, ni de serpent ni de Dieu punisseur, seulement
l’inespéré paradis. Et sans avoir à bouger, devant l’arbre même qui en était le
centre, à la vaste couronne, aux jaunissantes feuilles charnues, annonciatrices dorées du
proche automne.

Une brise s’était élevée, réveillant les rameaux endormis et les feuilles languissantes
à l’ampleur souveraine, exprimant félicité, félicité au plus haut degré, et désir, désir de
plus de félicité, félicités de toutes sortes offertes et l’instant d’après arrachées, reconquises,
reconquises, réoffertes pour le partage et pour l’hommage, pour le don éperdu.
Le monde exalté de l’Orient était là, un et total, exprimant le summum d’extase au
nom de tous, de tous sur Terre.

Ce que rameaux et feuilles peuvent figurer, aucun bras comme aucun corps de
femme ou d’homme, aucune danse humaine ou animale n’aurait pu le réaliser. C’était
des débordements, des débordements à n’en plus finir, élastiques et en tous sens, avec
des nonchalances suivies de reprises inattendues, dans l’instant déchaînées, indépassables.

Agenouillements, supplications, enlacements, désenlacements, arrachages, plongées
en avant, retraits, reculs, réembrassements et toujours à l’extrême, en chaque feuille, en
chaque rameau, devenu être adorant, faisant et refaisant de profondes génuflexions, expression
d’un infini hommage rendu, que depuis longtemps on eût dit que chaque fragment,
devenu un tout, voulait rendre enfin sans retenue comme sans épuisement... et en
hauteur.

Car ces débordements passionnés avaient lieu au sommet d’un arbre (et je ne m’en
étonnais pas), sur un vieux noyer, à la couronne large, si rare en cette essence, couronne
double presque triple, quasi sans exemple, troupe dont chaque membre, infatigablement
excessif, se précipitait en avant, se retirait, se reprécipitait sans repos.

Exaspération sans personne, où toutes les parties, branches, feuilles et rameaux
étaient des personnes et plus que des personnes, plus profondément remuées, plus bouleversées,
bouleversantes.

Individuellement, non communautairement, dans un rythme accéléré, emportant tout
relâchement, où le vent réel ne paraissait pas pourtant le principal.

Feuillage s’inclinant bas, rapidement, puis fougueusement remontant, puis ramené
en arrière, puis repartant inlassable, pour l’inlassable dépassement, froissé, défroissé
presque sauvagement, cependant en vertu d’une sorte de consécration, avec une grandeur
unique.

Beauté des palpitations au jardin des transformations.
Assouvissements et inassouvissements partaient de l’arbre aux ravissements.
Appels aux assoiffés, appels enfin entendus, exaucés. Le supplément attendu depuis
toujours était reçu, était livré.

L’infini chiffonnage – déchiffonnage trouvait sa rencontre.
Et s’ouvrait, se refermait le désir infini, pulsation qui ne faiblissait pas.
Entre Terre et Cieux – félicité dépassée – une sauvagerie inconnue renvoyait à une
délectation par-dessus toute délectation, à la transgression au plus haut comme au plus
intérieur, là où l’indicible reste secret, sacré.

S’y ajoutait seulement, s’y agglutinait (venant on ne sait d’où) scansion imperturbable,
un rythme sourd, fort, mais également intérieur, tel le martèlement d’un coeur, qui
aurait été musical, un coeur venu aux arbres, qu’on ne leur connaissait pas, qu’ils nous
avaient caché, issu d’un grand coeur végétal (on eût dit planétaire), coeur participant à
tout, retrouvé, enfin perçu, audible aux possédés de l’émotion souveraine, celle qui tout
accompagne, qui emporte l’Univers.


Henri MichauxLe jardin exalté in Déplacements Dégagements– [pp. 111-120]
Gallimard – 1997


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Message par Invité Ven 23 Déc - 3:45

Merci Xvarnah,

Tu as emprunté le chemin de la connaissance,du savoir,et te
lire est réel plaisir.
J'apprécie d'autant que tu apportes réponse à ma question
et me permet de mieux te connaître,par la même de mieux comprendre.

En effet l'édification se fait pierre après pierre et pour qu'elle soit
solide,le travail n'est jamais terminé.
Je reste donc admiratif de ta persévérance,et,sans aller plus
loin n'ayant pas le niveau intellectuel nécessaire,je reste apte à
assimiler ce que tu voudras bien dévoiler de ton "introspection" et
recherche en compagnie du Facteur Cheval.
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Message par Invité Ven 23 Déc - 4:01


Le savoir, à mon sens, n'a d'intérêt que s'il se partage, GEORGES-ALAIN.

Ici, sur notre Tasse-Braises bien-aimé, le fumeur de pipe novice que je suis a beaucoup appris de ses aînés en cette matière, aînés qui ont su avec beaucoup de gentillesse et quelque amicale persévérance aussi (il y a des fois où je comprends vite pourvu qu'on m'explique les choses longuement! Smile ) me former à ce réel art de vivre qu'est notre joyeux pétunage.

Pour le reste, il en va de même; alors, si tel ou tel de mes propos devaient te paraître "hermétique", n'hésite surtout pas à me demander de l'exprimer de façon plus aisément compréhensible. Je le ferai avec plaisir comme d'autres l'ont fait pour ma pomme. Ok ? smile
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Message par twisel Ven 23 Déc - 8:03

trop... beaucoup trop pour mes petits yeux fatigués...
mais je suis sûr que c'est plein de bon sens!
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Message par Invité Ven 23 Déc - 9:34

Bien vu, twisel. Rien de plus pénible parfois que la lecture de longs textes à l'écran. affraid

Pour ma part, quand j'en ai le temps et l'envie, j'imprime la page et la lis ensuite à tête et yeux reposés. study sunny

C'est ce que le bon sens, que tu évoques à juste titre, dicte dans un cas pareil.
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Message par twisel Ven 23 Déc - 14:53

en fait mes yeux étaient fatigués mais surtout bien alcoolisés quand j'ai écrit ça... Embarassed
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Message par Zabelle Ven 23 Déc - 15:14

Très intéressant article Xwarnah. Chapeau ! bel effort.
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Message par barbapipe Ven 23 Déc - 16:33

Si je reste muet, c'est que je lis... avec grand plaisir et intérêt.
Je m'en vais quérir une imprimante afin d'imprimer tout cela pour une lecture plus aisée et attentive. (Celle qui était connectée à mon vieil ordinateur ne fonctionne pas sur le nouveau.)
Néanmoins, le texte de Michaux dont je n'ai lu que "Un barbare en Asie", à une première lecture est assez hermétique pour moi (qui n'ai non plus un bagage intellectuel suffisant... l'université de la rue, ça se limite là), mériterait quelques éclaircissements.
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Message par Invité Ven 23 Déc - 17:06

twisel a écrit:en fait mes yeux étaient fatigués mais surtout bien alcoolisés quand j'ai écrit ça... Embarassed

Idem pour moi, pas bien, mais bon! C'est plus clair aujourd'hui. enfin pour l'instant Very Happy Very Happy
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Message par Invité Ven 23 Déc - 18:36

Xvarnah a écrit:
Le savoir, à mon sens, n'a d'intérêt que s'il se partage, GEORGES-ALAIN.

Ici, sur notre Tasse-Braises bien-aimé, le fumeur de pipe novice que je suis a beaucoup appris de ses aînés en cette matière, aînés qui ont su avec beaucoup de gentillesse et quelque amicale persévérance aussi (il y a des fois où je comprends vite pourvu qu'on m'explique les choses longuement! La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 939255 ) me former à ce réel art de vivre qu'est notre joyeux pétunage.

Pour le reste, il en va de même; alors, si tel ou tel de mes propos devaient te paraître "hermétique", n'hésite surtout pas à me demander de l'exprimer de façon plus aisément compréhensible. Je le ferai avec plaisir comme d'autres l'ont fait pour ma pomme. Ok ? La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 486567

En effet Xvarnah,

Le savoir que tu t'appliques à partager avec nous me fait penser à cet excellent film AU NOM DE LA ROSE,ou celui-ci était

précieusement caché pour conserver l'emprise sur les non initiés.

Soit sur que je lirais avec grand plaisir et attention tes futures "articles" qui ne pourront que m'élever vers plus de connaissances.
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Message par bebert Ven 23 Déc - 19:10

Cher Xvarnah, tu arrive encore à m'étonner !!! Ta culture est un puit sans fond dans lequel je tente de me noyer avec délectation, quel plaisir de te lire (et de t'écouter parfois) vhappy

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Message par Invité Ven 23 Déc - 22:29

Zabelle a écrit:Très intéressant article Xwarnah. Chapeau ! bel effort.

Merci, Zabelle. C'est un réel plaisir pour moi de partager ici ces textes qui m'ont beaucoup appris.
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Message par Invité Ven 23 Déc - 22:47

barbapipe a écrit:Si je reste muet, c'est que je lis... avec grand plaisir et intérêt.
Je m'en vais quérir une imprimante afin d'imprimer tout cela pour une lecture plus aisée et attentive. (Celle qui était connectée à mon vieil ordinateur ne fonctionne pas sur le nouveau.)
Néanmoins, le texte de Michaux dont je n'ai lu que "Un barbare en Asie", à une première lecture est assez hermétique pour moi (qui n'ai non plus un bagage intellectuel suffisant... l'université de la rue, ça se limite là), mériterait quelques éclaircissements.

Michaux avait expérimenté des drogues comme la mescaline (extraite du peyolt) ou le cannabis. Un de ses recueils les plus connus au sujet de la mescaline et des effets de cette drogue s'intitule Misérable miracle. Le "produit" mentionné au début du Jardin exalté ainsi que les altérations de la perception décrites se réfèrent très vraisemblablement à la mescaline. Peut-être ces précisions éclaireront-elles pour toi certains aspects de ce texte.

Comme tu l'imagines bien, ce n'est pas à l'Université que l'on pratique de telles expériences.
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Message par barbapipe Ven 23 Déc - 23:06

Je savais que Michaux avait expérimenté ces "produits". Je n'ai jamais lu ses écrits à ce propos. Ta réponse m'éclaire très bien. Il suffit de relire en sachant que ce texte se rapporte à ces expériences. Je pense qu'il avait peint également sous l'effet de la mescaline.
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Message par Invité Ven 23 Déc - 23:07

GEORGES-ALAIN a écrit:
En effet Xvarnah,

Le savoir que tu t'appliques à partager avec nous me fait penser à cet excellent film AU NOM DE LA ROSE,ou celui-ci était

précieusement caché pour conserver l'emprise sur les non initiés.

Soit sur que je lirais avec grand plaisir et attention tes futures "articles" qui ne pourront que m'élever vers plus de connaissances.

Le Nom de la Rose de ce remarquable écrivain et linguiste qu'est Umberto Eco est un de mes romans préférés, GEORGES-ALAIN. Ce "polar médiéval", qui ne manque pas de faire référence au fameux Sherlock Holmes à travers le nom de l'un de ses principaux protagonistes : Guillaume de Baskerville (cf. The Hound of the Baskervilles - Le chien des Baskerville d'Arthur Conan Doyle), est un pur régal. Je suis ravi que tu aies gardé le souvenir cette œuvre via le film qui en a été tiré.
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Message par Invité Ven 23 Déc - 23:12

barbapipe a écrit:Je savais que Michaux avait expérimenté ces "produits". Je n'ai jamais lu ses écrits à ce propos. Ta réponse m'éclaire très bien. Il suffit de relire en sachant que ce texte se rapporte à ces expériences. Je pense qu'il avait peint également sous l'effet de la mescaline.

Oui, barbapipe, nombre de ses dessins aussi s'inspirent, en effet, de semblables expériences. Certains pourraient même fort bien illustrer les propos qu'il tient au sujet de la frondaison du noyer, notamment, dans le Jardin exalté.
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Message par Invité Ven 23 Déc - 23:13

alf a écrit:
twisel a écrit:en fait mes yeux étaient fatigués mais surtout bien alcoolisés quand j'ai écrit ça... Embarassed

Idem pour moi, pas bien, mais bon! C'est plus clair aujourd'hui. enfin pour l'instant Very Happy Very Happy

Bon, ben tant que c'est pas de la mescaline... Shocked Very Happy
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Message par barbapipe Sam 24 Déc - 0:15

Excellent, Le Nom de la Rose. J'ai beaucoup aimé tant le film que le roman de Umberto Eco.
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Message par bebert Sam 24 Déc - 3:33

Nous espérons et attendons quelques lignes de tes travaux... enfin moi ça m'intéresse beaucoup

Je plussoie mille fois !!!
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Message par Invité Sam 24 Déc - 11:01

jimhar a écrit:Michaux a effectivement expérimenté certaines drogues - ses motivations profondes n'appartiennent qu'à lui. Il explique cependant une chose (je ne sais plus où ça se trouve, c'est dans ses "oeuvres complètes"): il s'agissait uniquement d'un usage expérimental, et en somme épisodique au regard de son oeuvre. Il se démarque ouvertement du mouvement surréaliste dans lequel certains ont voulu le confiner. C'est un écrivain qui à mon sens est très proche de julien Gracq (voyez "le Rivage des Syrtes"). Pour en revenir à l'usage des drogues il y a me semble-t-il une très grande différente entre créer sous l'effet de et créer après l'usage de.

A mon avis Xvarnah tu dois bien connaître et apprécier Cocteau et Bataille (Histoire de l'Oeil smile ). Nous espérons et attendons quelques lignes de tes travaux... enfin moi ça m'intéresse beaucoup.

Amicalement,

Olivier

Michaux était un grand connaisseur et amateur des cultures extrêmes-orientales, celle de l'Inde notamment, comme le souligne par exemple l'effet que produit sur lui sans le Jardin exalté, et plutôt qu'un "lied" allemand, la musique carnatique qui "incarne" la tradition musicale de l'Inde du Sud.

Ces cultures peut-être plus que les nôtres se sont intéressées à l'impact sur le vécu des modifications de nos états mentaux. Bien que nous attachions un intérêt particulier à ce que nous nommons "conscience", force nous est de constater que notre cerveau, lui, ne fonctionne qu'en ayant recours quotidiennement à tout une variété "d'états de vigilances", disons.

La lecture des travaux de ce savant et écrivain qu'est Michel Jouvet (Le sommeil et le rêve paru chez Odile Jacob, par exemple) apporte toutes sortes d'éclairages intéressants concernant l'étude de notre "matière grise" qui avec la biologie est un des domaines de la recherche scientifique les plus prometteurs des décennies à venir (nous n'en sommes encore qu'au tout début).

C'est dans ce cadre que je comprends le mieux les expérimentations de nombres de poètes (on se souvient, entre autres, des Paradis artificiels d'un Charles Baudelaire) dont la discipline se réfère, dès ses origines en Occident, en particulier, à ce qu'on pourrait appeler des "états de conscience altérés". La fameuse "inspiration" nous vient en français de la traduction latine par le vocable "inspiratio" du terme grec "enthousiasmos" qui mot à mot signifie la "divinité dedans" et se réfère à la pratique d'un état mental particulier (une transe, voire une extase ?).

Mais on pourrait évoquer de même dans les textes que nous ont légués les "rsi" (les "aèdes") de l'Inde védique (env. 1500 ans avant notre ère) les hymnes dédiés à un breuvage divinisé sous le nom de "Soma" dont des travaux récents semblent indiquer qu'il fut une potion hallucinogène – d'autres le rapprochent d'un mélange à base d'éphédrine qui accentue les effets de l'adrénaline.

Comme tu le soulignes, à très juste titre, Olivier, les écrits de Michaux ne furent très probablement pas rédigés sous l'emprise de la drogue ainsi que la rigueur de leur écriture le montre, mais bien plutôt a posteriori et sur la base des expériences menées avec ces toxiques dont il ne fit jamais l'éloge en tant que tels, bien au contraire.

À ce sujet, permettez-moi de citer deux passages d'un autre texte de Michaux relatif à de semblables expérience, Survenue de la contemplation in Face à ce qui se dérobe (Gallimard – 1975) :

« Avais-je connu le grand, le très grand détachement ?

Au moins en avais-je eu un, tel que je savais maintenant que dans cette voie il y a une autre vue, la vue étendue qui se passe du moi, et qui, imperturbée, se déploie, se prolonge et, sans s’arrêter, sans dévier, sans trous, sans fin se parachève; en phase avec une onde inentendue, inaperçue.

Dans les heures magnifiques de cet intervalle fondamental, je crois surtout que s’étaient trouvées réalisées, certaines conditions de la Contemplation, lorsque, avec un corps de plomb et un esprit libéré, “subtil”, devenu je ne sais combien de fois plus subtil, je parcourais, voyageur planant, ma vie vassale, cette affaire pas encore épuisée, aussi vaste qu’un pays, dont “je” est solidaire, un “je” fréquemment dérouté et trompé, et qui régulièrement s’occulte, dont cependant il reste le conservateur, par moments aussi le meneur, quoique ignorant, ignorant toujours, ignorant, ignorant, ignorant à perte de vue.

[...]

La grandeur était là, l’incomparable.

Grandeur quand il n’y a plus de raisonnement, et que cesse l’interception de l’intruse qui tout le temps s’immisce partout. Grandeur, quand la restrictrice, la médiocrisante est partie.

Ce qui alors passe dans l’esprit posément, non commenté, non analysé, passe contemplé.



Comment ressusciter cet état, comment et sans adjuvant retrouver creusée la tranchée extraordinaire ? [Je souligne - Xvarnah]

Combien l’ont désiré, recherché.

Mais la volonté même qui s’y exerce barrera souvent le chemin de cela qui, libéré une fois par une substance spéciale, arriva si puissamment, si soudainement, comme une grâce... dans une merveilleuse sustentation vibratoire. »


Dernière édition par Xvarnah le Mar 27 Déc - 13:27, édité 6 fois (Raison : Corection & Précisions)
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Message par Invité Sam 24 Déc - 11:30


En ce qui concerne Cocteau et Bataille, tu ne te trompes pas, Olivier.

Julie Bataille, fille de Georges Bataille et de Diane Kotchoubey de Beauharnais, fut ma compagne pendant onze ans et sans doute aucun « le» sinon l'un des plus grands amours de ma vie.

Aussi, je vous propose deux extraits de ce Catéchisme de Dianus digne de la Somme athéologique de Bataille :


La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Diane10

Diane


III

Accablé des tristesses glacées, des horreurs majestueuses de la vie ! À bout
d'exaspération. Aujourd'hui je me trouve au bord de l'abîme. À la limite du pire, d'un
bonheur intolérable. C'est au sommet d'une hauteur vertigineuse que je chante un
alleluiah : le plus pur, le plus douloureux que tu puisses entendre.

La solitude du malheur est un halo, un vêtement de larmes, dont tu pourras couvrir ta
nudité de chienne.

Écoute-moi. Je te parle dans l'oreille à voix basse. Ne méconnais plus ma douceur. Va
dans cette nuit pleine d'angoisse, nue, jusqu'au détour du sentier.

Entre tes doigts dans les replis humides. Il sera doux de sentir en toi l'âcreté, la viscosité
du plaisir - l'odeur mouillée, l'odeur fade de chair heureuse. La volupté contracte une
bouche avide de s'ouvrir à l'angoisse. Dans tes reins deux fois dénudés par le vent, tu
sentiras ces cassures cartilagineuses qui font glisser entre les cils le blanc des yeux.
Dans la solitude d'une forêt, loin de vêtements abandonnés, tu t'accroupiras doucement
comme une louve.

La foudre à l'odeur fauve et les pluies d'orage sont les compagnons d'angoisse de
l'obscénité.

Relève-toi et fuis: puérile, éperdue, riante à force de peur.



V

Cesse de méconnaître qui tu es. Comment te vouloir humiliée, tenue d'aborder les autres
avec une figure qui n'est pas la tienne ?

Tu pourrais répondre aux convenances et jouir de l'estime des humiliés. Il serait aisé
d'apprécier en toi les côtés par lesquels tu travaillerais à la falsification sans mesure. Il
importerait peu de savoir si tu mens. Tu répondrais par une attitude servile à la servitude
du grand nombre, dérobant l'existence à la passion. À cette condition tu serais Mme N...
et j'entendrais tes éloges...

Tu devais choisir entre deux voies: être « recommandée » comme une des leurs aux
membres d'une humanité que l'horreur de l'homme a fondée; - ou t'ouvrir à la liberté de
désirs excédant les limites reçues.

Dans le premier cas, tu céderais à la fatigue...
Mais comment oublier le pouvoir qui t'appartient, de mettre en toi l'être lui-même en
jeu ? Mesure l'excès de sang qui t'échauffe sous le gris du ciel : pourrais-tu plus
longtemps le dissimuler sous la robe ? Étoufferais-tu plus longtemps ce cri de rage et
d'excessive volupté que d'autres auraient réduit à ces menus propos que la bienséance
demandait ? Serais-tu moins fascinante enivrée de honte que ne l'est la nudité de la
nuit ?

L'insoutenable joie de retirer ta robe est seule à la mesure de l'immensité... où tu sais
que tu es perdue : l'immensité, comme toi, n'a pas de robe, et ta nudité, qui se perd en
elle, a la simplicité des mots. En elle, ta nudité t'expose immensément : tu es crispée,
écartelée de honte, et c'est immensément que ton obscénité te met en jeu.
(Silencieuse et nue, n'est-ce pas l'intimité de l'univers à laquelle t'ouvre un vertige
intolérable ? et n'est-ce pas l'univers mal fini qui bâille entre tes jambes ? Question sans
réponse. Mais toi-même, ouverte sans robe au rire infini des étoiles, douterais-tu que le
vide lointain ne soit au même instant plus lourd que ne l'est cette inavouable intimité qui
se dissimule en toi ?)

Étendue, la tête en arrière, les yeux perdus dans les coulées laiteuses du ciel, abandonne
aux étoiles... le plus doux ruissellement de ton corps !
Aspire l'odeur sulfureuse et l'odeur de sein nu de la Voie lactée - la pureté de tes reins
ouvrira tes rêves à la chute dans l'espace inconcevable.

Les conjonctions de chenilles nues des sexes, ces calvities et ces antres roses, ces
rumeurs d'émeutes, ces yeux morts : ces longs hoquets de rage riante sont les moments
qui répondent en toi à la fêlure insondable du ciel...

Les doigts glissent dans la fente où la nuit se dissimule. La nuit tombe dans le coeur et
des chutes d'étoiles raient la nuit où ta nudité comme le ciel est ouverte.

Ce qui s'écoule en toi dans le plaisir - dans l'horreur doucereuse de la chair - les autres le
dérobent à l'immensité de la mort... Ils le dérobent à la solitude du ciel ! C'est pour cela
qu'il te faut fuir, te cacher dans le fond des bois. Ce qui dans la volupté déchire, appelle
le vertige de la solitude : la volupté demande la fièvre ! Seuls tes yeux blancs peuvent
reconnaître le blasphème qui liera ta blessure voluptueuse au vide du ciel étoilé.
Nul n'est à la mesure de tes rages sinon l'immensité silencieuse de la nuit.
Niant les êtres limités, l'amour les rend à l'infini du vide, il les borne à l'attente de ce
qu'ils ne sont pas.


Georges BatailleLe catéchisme de Dianus in L'Alleluiah – [pp. 227 – 234]
Éditions Gallimard – Paris 1998


Dernière édition par Xvarnah le Sam 24 Déc - 23:32, édité 4 fois
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Message par Invité Sam 24 Déc - 11:36

bebert a écrit:
Nous espérons et attendons quelques lignes de tes travaux... enfin moi ça m'intéresse beaucoup

Je plussoie mille fois !!!

Ah, "mon" bebert, que c'est sympa de te savoir là!

Ben, pour l'instant, je suis surtout occupé à pondre quelque chose de pas trop mal fichu au sujet de certains beaux "peindus" marseillais, si tu vois ce que je veux dire... clin Smile
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Message par Invité Sam 24 Déc - 12:40


Côté Cocteau, et par l'entremise de la grande poétesse américaine Adrienne Rich, je propose à ta réflexion, cher Olivier, l'un des curieux "bidouillages" auxquels je me livre dans le cadre de ma propre réflexion :



La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Adrien10

Adrienne Rich



I Dream I'm the Death of Orpheus *

I am walking rapidly through striations of light and dark thrown under
an arcade.

I am a woman in the prime of life, with certain powers
and those powers severely limited
by authorities whose faces I rarely see.
I am a woman in the prime of life
driving her dead poet in a black Rolls-Royce
through a landscape of twilight and thorns.
A woman with a certain mission
which if obeyed to the letter will leave her intact.
A woman with the nerves of a panther
a woman with contacts among the Hell's Angels
a woman feeling the fullness of her powers
at the precise moment when she must not use them
a woman sworn to lucidity
who sees through the mayhem, the smoky fires
of these underground streets
her dead poet learning to walk backward against the wind
on the wrong side of the mirror.

o O o


Je rêve que je suis la mort d'Orphée

Je marche rapidement à travers des striures de lumière et d'ombre
jetées sous une arcade.

Je suis une femme dans la fleur de la vie
avec certains pouvoirs
pouvoirs sévèrement limités
par des autorités dont je vois rarement les visages.
Je suis une femme dans la fleur de la vie
qui conduit son défunt poète dans une Rolls-Royce noire
à travers un paysage de crépuscule et d'épines.
Une femme avec une certaine mission
qui observée à la lettre la laissera intacte.
Une femme avec des nerfs de panthère
une femme avec des contacts parmi les Anges de l'Enfer
une femme qui ressent la plénitude de ses pouvoirs
au moment précis où elle ne doit pas en faire usage
une femme qui a fait serment de lucidité
qui voit à travers le chaos, les feux fumeux
de ces rues souterraines
son défunt poète en train d'apprendre à marcher à reculons contre le vent
du mauvais côté du miroir.

Adrienne RichI Dream I'm the Death of Orpheus in The Will to Change
W. W. Norton & Company – 1971

* Ce poème a été écrit en 1968 après une projection du film de Jean Cocteau (Orphée – 1949) à laquelle elle avait assisté. Le personnage de la Mort qu'il mentionne se réfère à la remarquable interprétation que l'actrice Maria Casarès en avait donné.




Transposition méditative :


Je rêve que je suis la folie d'Orphée

Je marche rapidement à travers des striures de lumière et d'ombre
jetées sous une arcade.

Je suis une muse au sommet de son talent
avec certains pouvoirs
pouvoirs sévèrement limités
par des autorités dont je vois rarement les visages.
Je suis une muse au sommet de son talent
qui conduit son poète fou dans une Rolls-Royce blanche
à travers un paysage de crépuscule et d'épines.
Une muse avec une certaine mission
qui observée à la lettre la laissera intacte.
Une muse avec des nerfs de panthère
une muse avec des contacts parmi les Prêtresses vaudou
une muse qui ressent la plénitude de ses pouvoirs
au moment précis où elle ne doit pas en faire usage
une muse qui a fait serment de lucidité
qui voit à travers la démence, les feux fumeux
de ces rues souterraines
son poète fou en train d'apprendre à marcher à reculons contre le vent
du mauvais côté du miroir.


o O o


I Dream I'm the Madness of Orpheus

I am walking rapidly through striations of light and dark thrown under
an arcade.

I am a muse at the peak of her talent, with certain powers
and those powers severely limited
by authorities whose faces I rarely see.
I am a muse at the peak of her talent
driving her mad poet in a white Rolls-Royce
through a landscape of twilight and thorns.
A muse with a certain mission
which if obeyed to the letter will leave her intact.
A muse with the nerves of a panther
a muse with contacts among Voodoo Priestesses
a muse feeling the fullness of her powers
at the precise moment when she must not use them
a muse sworn to lucidity
who sees through the insanity, the smoky fires
of these underground streets
her mad poet learning to walk backward against the wind
on the wrong side of the mirror.
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Message par Invité Sam 24 Déc - 13:39


Au sujet de la notion, aujourd'hui galvaudée*, de "muse" (ces filles de la Titanide Mnémosunè – "Mémoire" – et de Zeus tout puissant), de son lien tant avec la notion de "mémoire" qu'avec celle de "vérité" (pour ne rien dire des structures de parenté qui les sous-tendent...), trois extraits de grands hellénistes :


Extrait I


La propriété essentielle (de la vérité du mythe) est bien, en effet, qu'elle ne puisse être sans le culte : tel est, avons-nous dit, son caractère "dynamique", c'est à dire qu'il lui faut se manifester comme figure [Ce mot traduit le terme allemand "Gestalt"Xvarnah] dans une attitude et une action et devenir ainsi manifeste, comme figure également, dans la parole.

Cela vaut pour les prières (qui sont originellement autant de manifestations de soi de la vérité mythique, tout comme les attitudes de recueillement, et ne sont que secondairement des "requêtes"), pour les hymnes, etc; et cela vaut déjà pour les Noms où l'élément formidable de la vérité mythique est devenue figure – les noms du dieu [la "prière, la nomination, etc. comme célébration ! La prière comme témoignage de la présence.]. Mais cela vaut aussi pour les présentations narratives de la geste mythique comme récits originels et de toute éternité.

Nous en arrivons maintenant à l'aspect le plus haut et le plus éminent de la question à savoir : comment advient-il que la vérité (du mythe) devienne manifeste dans la figure de la façon d'être, de l'acte et de la parole (et soit ainsi appropriée à l'homme) ?

Sur ce point c'est l'étape la plus haute (ou spirituelle) de la révélation de la figure dans la parole qui peut nous dire quelque chose de décisif.

J'ai utilisé à plusieurs reprise le terme "révélation" au sujet de la vérité (originelle) (du mythe) qui vient au grand jour. Nous employons habituellement cette expression pour désigner une ouverture qui vient d'en haut, qui du surhumain vient sur l'homme; une ouverture qu'avec la meilleure volonté du monde il est incapable de se donner, qu'il ne peut que recevoir de la parole d'une autorité, avec gratitude et docilité.

Cela vaut aussi pour le mythe, tel qu'il est compris ici. Vu qu'il n'est pas le résultat d'une réflexion, vu que la vérité qu'il contient et qu'il est n'a pas été conclue au terme d'une démarche de la pensée, il ne reste qu'une possibilité : loin d'être saisi et appréhendé par l'homme, le mythe, à l'inverse, a saisi et appréhendé (voire ébranlé) l'homme lui-même (ce dont témoigne l'attitude immédiatement active déjà évoquée qui en résulte). La vérité ne devient donc pas manifeste à l'homme à la suite de sa propre investigation, elle ne peut que se révéler elle-même.

Mais s'il est vrai qu'elle se manifeste dans la figure, et que la parole en tant que telle est cette révélation d'une figure, la parole révélée faisant autorité (celle d'un dieu) doit elle-même être précédée d'une révélation plus originaire encore dans laquelle le dieu lui-même devient manifeste, plastiquement, dans la parole.

Et tel est bien notre sujet ici.

Car ce processus, un seul et unique peuple au sein de l'humanité a été à même de le reconnaître : les Grecs.

Les Grecs, auxquels nous pensons le plus volontiers lorsqu'il est question de cette parole qui s'appelle muthos, sont parvenus, de par leur seul savoir, jusqu'à l'Urphänomen [phénomène originel] qu'est le surgissement de cette "parole".

Que la vérité doive se révéler, ils l'ont reconnu et ils l'ont vu comme un avènement à l'intérieur du divin.
C'est ici une divinité propre, c'est à dire une vérité éternelle qui révèle non seulement elle-même mais bien la vérité en tant que telle : la déesse Muse.


Walter Friedrich Otto – « Le Mythe » in Essais sur le mythe – [pp. 37-39]
Traduction Pascal David – T.E.R. – 1987



Que l'origine de la langue à même d'abriter tant de grandeur tienne du prodige, à savoir de la divinité de l'être qui s'atteste et a son lieu dans la parole vivante, c'est là ce que le mythe, chez les Grecs, nous dit en toute clarté. Tels qu'en eux-mêmes, chant et dire ont été subordonnés par eux à une divinité qui, loin d'offrir seulement l'art du chant, est elle-même au sens le plus propre Celle qui chante, et elle-même Chant. Telle est la Muse, qui n'a son pareil chez aucun autre peuple. Les premiers vers de l'Iliade et de l'Odyssée ne lui demandent pas seulement de prêter assistance à l'aède – ils lui demandent de chanter elle. Les Muses sont filles du dieu suprême, Zeus, et de la Titanide Mnémosyne, déesse de Mémoire. Elles résident dans l'Olympe; elles sont les seules à être appelées les "Olympiennes", titre réservé sinon au seul Zeus, et c'est là le signe de leur proximité du Père des dieux et des hommes. Mais quel sens a cette proximité ?


Walter Friedrich Otto – « Le Mythe » in Essais sur le mythe – [p. 56]
Traduction Pascal David – T.E.R. – 1987


______________________________________________


* À ce propos, on pourra, par exemple, lire sous la plume d'un Baudelaire cette prose poétique qui en dit long et ne manque pas de laisser pour le moins songeur :


XLIII

LE GALANT TIREUR


Comme la voiture traversait le bois, il la fit s'arrêter dans le voisinage d'un tir, disant qu'il lui serait agréable de tirer quelques balles pour tuer le Temps. Tuer ce monstre-là, n'est-ce pas l'occupation la plus ordinaire et la plus légitime de chacun ? – Et il offrit galamment la main à sa chère, délicieuse et exécrable femme, à cette mystérieuse femme à laquelle il doit tant de plaisirs, tant de douleurs, et peut-être aussi une grande partie de son génie.

Plusieurs balles frappèrent loin du but proposé; l'une d'elles s'enfonça même dans le plafond; et comme la charmante créature riait follement, se moquant de la maladresse de son époux, celui-ci se tourna brusquement vers elle, et lui dit : « Observez cette poupée, là-bas, à droite, qui porte le nez en l'air et qui a la mine si hautaine. Eh bien ! cher ange, je me figure que c'est vous ». Et il ferma les yeux et il lâcha la détente. La poupée fut nettement décapitée.

Alors s'inclinant vers sa chère, sa délicieuse, son exécrable femme, son inévitable et impitoyable Muse, et lui baisant respectueusement la main, il ajouta : « Ah ! mon cher ange, combien je vous remercie de mon adresse ! »


Charles Baudelaire – Le Spleen de Paris – [pp. 297-298]
Œuvres complètes – Gallimard – 1968


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Message par Invité Sam 24 Déc - 13:52


Extrait II


Invoquée par le poète au début d'un chant, la Muse doit faire connaître les événements passés : "Et maintenant, dites-moi, Muses, habitantes de l'Olympe – car vous êtes, vous, des déesses : partout présentes, vous savez tout; nous n'entendons qu'un bruit, nous, et nous ne savons rien – dites-moi quels étaient les guides, les chefs des Danaens. La foule je n'en puis parler, je n'y puis mettre de nom, eussé-je dix langues, dix bouches, une voix que rien ne brise, un cœur de bronze dans ma poitrine, à moins que les filles de Zeus qui tient l'Égide, les Muses de l'Olympe ne "rappellent" elles-mêmes ceux qui étaient venus sous Ilion." La parole du poète, telle qu'elle se développe dans l'activité poétique, est solidaire de deux notions complémentaires : la Muse et la Mémoire. Ces deux puissances religieuses dessinent la configuration générale qui donne à l'Alétheia poétique sa signification réelle et profonde.

Quelle est la signification de la Muse, quelle est la fonction de la Mémoire ? On a souvent relevé la présence, dans le panthéon grec, de divinités qui portent le nom de sentiments, de passions, d'attitudes mentales, de qualités intellectuelles, etc... Moûsa est une de ces puissances religieuse qui débordent l'homme "alors qu'il en éprouve au dedans de lui la présence". En effet de même que la métis, faculté intellectuelle, répond à Métis, épouse de Zeus, de même que thémis, notion sociale, répond à la grande Thémis, autre épouse de Zeus, un nom commun moûsa correspond sur le plan profane à la Muse du panthéon grec. De très nombreux témoignages de l'époque classique permettent de penser que moûsa, nom commun, signifie la parole chantée, la parole rythmée. La double valeur de moûsa – nom commun, puissance divine – se laisse particulièrement bien saisir dans un "discours antique" transmis par Philon d'Alexandrie : "Il se chante un vieux récit, imaginé par des sages, et transmis à la mémoire comme bien d'autres, de génération en génération... Il est tel que voici : Lorsque le Créateur eut achevé le monde entier, il demanda à l'un des prophètes s'il eut désiré qu'une chose n'existât pas parmi toutes celles qui étaient nées sur la terre. L'autre répondit que toutes étaient absolument parfaites et complètes, que seulement il en manquait une, la parole laudative... Le Père du Tout écouta ce discours, et l'ayant approuvé, il produisit sans tarder la lignée des chanteuses pleines d'harmonies, nées d'une des puissances qui l'entouraient, la Vierge Mémoire (Mnémé), que le vulgaire, altérant son nom, appelle Mnémosynè". Entre les Muses et la "parole chantée" – spécifiée ici comme "Parole de louange" – il y a une solidarité étroite, solidarité qui s'affirme encore plus nettement dans les noms très explicites que portent les filles de mémoire, car toute une théologie de la parole chantée s'y déploie : Clio, par exemple, connote la gloire (kléos), la gloire des grands exploits que le poète transmet aux générations futures; Thalie fait allusion à la fête (thallein), condition sociale de la création poétique; Melpomène et Terpsichore éveillent toutes deux les images de musique et de danse. D'autres encore, telles Polymnie et Calliope, expriment la riche diversité de la parole chantée, et la voix puissante qui donne vie aux poèmes. Les épiclèses les plus anciennes des Muses sont aussi révélatrices : longtemps avant Hésiode, les Muses étaient au nombre de trois. On les vénérait dans un très ancien sanctuaire sur l'Hélicon, et elles s'appelaient Mélété, Mnémé, Aiodé; chacune portait le nom d'un aspect essentiel de la fonction poétique.

Mélété désigne la discipline indispensable à l'apprentissage du métier d'aède; c'est l'attention, la concentration, l'exercice mental; Mnémé est le nom de la fonction psychologique qui permet la récitation et l'improvisation. Aiodé est le produit, le chant épique, le poème achevé, terme ultime de la Mélété et de la Mnémé. D'autres nomenclatures sont encore attestées. Cicéron en rapporte une où les Muses sont au nombre de quatre : Arché, Mélété, Aiodé, Thelxinoé. Deux d'entre elles développent des aspects inédits : Arché est le principe, l'originel, car la parole du poète cherche à découvrir l'originel, la réalité primordiale. Thelxinoé est la séduction de l'esprit, l'incantation que la parole chantée exerce sur autrui. Toutes les épithètes de la Muses, à travers lesquelles se développe une véritable théologie de la parole, témoignent donc de l'importance, dans les milieux d'aèdes et de poètes inspirés, de l'équivalence entre la Muse et la notion de "parole chantée".

Mais la parole chantée est inséparable de la mémoire : dans la tradition hésiodique, les Muses sont filles de Mnémosynè; à Chios, elles portent le nom de "remembrances" (mnéiai); ce sont elles aussi qui font "se souvenir" le poète. Quelle est la signification de la mémoire ? Quelles sont les relations avec la parole chantée ? En premier lieu, le statut religieux de la mémoire, son culte dans les milieux d'aèdes, son importance dans la pensée poétique ne peuvent se comprendre si l'on néglige que, du XIIe au IXe siècle, la civilisation grecque fut fondée non sur l'écriture mais sur les traditions orales.

[...]

Mais la mémoire des poètes est-elle une fonction psychologique orientée comme la nôtre ? Les recherches de J.-P. Vernant permettent d'affirmer que la mémoire divinisée des Grecs ne répond nullement aux mêmes fins que la nôtre; elle ne vise nullement à reconstruire le passé selon une perspective temporelle. La mémoire sacralisée est d'abord un privilège de certains groupes d'hommes organisés en confréries : comme telle elle se différencie radicalement du pouvoir de se remémorer des autres individus. Dans ces milieux de poètes inspirés, la Mémoire est une omniscience de caractère divinatoire; elle se définit, comme le savoir mantique, par la formule : "ce qui est, ce qui sera, ce qui fut". Par sa mémoire, le poète accède directement, dans une vision personnelle, aux événements qu'il évoque; il a le privilège d'entrer en contact avec l'autre monde. Sa mémoire lui permet de "déchiffrer l'invisible". La mémoire n'est donc pas seulement le support matériel de la parole chantée, la fonction psychologique qui soutient la technique formulaire, elle est aussi et surtout la puissance religieuse qui confère au verbe poétique son statut de parole magico-religieuse.

En effet la parole chantée, prononcée par un poète doué d'un don de voyance, est une parole efficace; elle institue par sa vertu propre un monde symbolique religieux qui est le réel même. Quelle est dès lors la fonction du poète ? À quelles fins utilise-t-il son don de voyance ? Quels sont les registres de la parole chantée, entée sur la mémoire ? Quelle est dans ces registres, la place et la valeur d'Aléthéia ?


Marcel DétienneLes maîtres de vérité dans la Grèce archaïque – [pp. 9-15]
Éditions Maspero – 1979


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Message par Invité Sam 24 Déc - 14:08


Extrait III


Positif lorsqu'il est versé par les Muses, filles de Mémoire – elles-mêmes toutefois définies comme Lesmosùne kakôn, Oubli des maux (Hésiode, Théogonie, 55) –, serait cet oubli du présent douloureux qu'apporte le chant du poète célébrant la gloire des hommes du passé. Encore faudrait-il s'assurer que, même imputé à la puissance instantanée du verbe inspiré, l'oubli d'un deuil très récent (Théogonie, 98-103) soit à l'abri de toute ambiguïté. À tout le moins, déjà, sur cet oubli "bénéfique" pesait le doute chez Homère, lorsque, au chant IV de l'Odyssée, pour arracher Télémaque et Ménélas à l'àlaston pénthos d'Ulysse, Hélène a recours à une drogue et à un récit. Antidote au deuil et à la colère, nepenthés, àkholon, kakôn épilethon hapantôn, la drogue verse l'oubli de tous les maux. Et quels maux !

“Une dose au cratère empêchait tout le jour quiconque en avait bu de verser une larme, quand bien même il eût perdu ses père et mère, quand de ses propres yeux, il aurait devant lui vu tomber un frère, un fils aimé” (IV, 222-226, trad. V. Bérard).

Pleurer père et mère est un devoir qui ne souffre pas d'exception, et l'obligation de vengeance s'attache tout particulièrement au meurtre d'un fils ou d'un frère. Immédiate autant que provisoire en son effet, la drogue peut bien substituer au deuil le "charme" – lui-même éminemment ambigu – "du récit" et les joies du festin, elle n'en retranche pas moins de la société, pour un temps, celui qui la boit. Telle est la pointe extrême de l'oubli des maux, ce phàrmakon, contrepoison de la douleur, mais poison pour l'existence humaine en ce que celle-ci est éminemment contractuelle.

Entre l'interdiction politique, durable, de poursuivre une vengeance qui nuise à la communauté et le charme dissipant à tout coup, mais provisoirement le deuil, l'écart est patent. En prêtant le serment de ne pas rappeler les malheurs de naguère, le citoyen d'Athènes affirme qu'il renonce à exercer toute vindicte, et, pour se placer sous la double autorité de la cité qui décrète et des dieux qui sanctionnent, il n'en énonce pas moins la maîtrise que, comme sujet, il exercera sur lui-même; inversement, le doux oubli vient d'ailleurs, qu'il soit don des Muses ou du poète, effet de la drogue d'Hélène ou du vin (souventes fois) ou du sein maternel, ce refuge (au chant XXII de l'Iliade), et, s'il est présenté avec insistance comme oubli de ce qui ne s'oublie pas, nulle adhésion, nul consentement n'est requis de celui à qui il advient et que l'assujettissement instantané à cette mise entre parenthèse du malheur prive peut-être de tout ce qui faisait son identité.

[…]

D'un côté, l'oubli, de l'autre, une mémoire à vif qui n'a d'autre nom que l'excès de douleur. De cette mémoire à vif qui métaphoriquement, est un aiguillon, de cette douleur-colère qui, dans l'Iliade, caractérise Achille (khòlon thumalgéa IX, 260; 565), Électre est de fait, chez Sophocle, la parfaite incarnation, et lorsqu'elle affirme ou làthei m'orgà (Électre, 222), elle ne dit pas seulement "ma colère ne m'échappe pas", ou "je n'oublie pas ma colère", mais aussi "ma colère ne m'oublie pas". Comme si seule la colère donnait au soi le courage d'être tout à la colère, parce que la colère est, pour le sujet, présence ininterrompue de soi à soi.

Aux concitoyens-spectateurs assemblés dans le théâtre de deviner, dans cette colère qui n'oublie pas, ce qui pour la cité, est l'absolu du danger, car le pire adversaire de la politique : la colère comme deuil fait "croître" les maux qu'elle cultive assidûment (Électre, 259-260), elle est un lien qui se resserre lui-même jusqu'à résister à toute déliaison. Redoutable colère... Et pour cause : c'est à la plus ancienne tradition poétique que la tragédie en emprunte en l'occurrence la notion, et tout particulièrement à l'épopée, qui, dès le premier mot de l'Iliade, donne à cet affect très actif le nom de mênis. Colère d'Achille et, par la suite colère des mères endeuillées, de Déméter à Clytemnestre. N'était Achille dont la mênis est dans toutes les mémoires grecques, je dirais volontiers que nous tenons là une figure féminine de la mémoire [1], que les cités s'efforcent de cantonner dans la sphère de l'anti- (ou de l'anté-) politique. Et de fait la colère en deuil, dont le principe est l'éternelle répétition, s'exprime volontiers par un aeì, et la fascination de ce "toujours" inlassable risque fort de le dresser, tel un puissant rival, contre l'aeì, politique qui fonde la mémoire des institutions.

Deux mots encore sur cette mênis d'origine grecque perçue comme dangereuse, au point que le nom même en est interdit d'emploi à celui qui en est le siège, au point que l'énoncé hypogrammatique de l'Iliade – °Je renonce à ma mênis – n'est jamais formulé. Mênis : ce qui dure, voire ce qui tient bon, et qui cependant est, comme par nécessité, voué à faire l'objet d'un renoncement. Mênis : un mot pour cacher la mémoire dont le nom s'y dissimule [2]. Une autre mémoire, bien plus redoutable que mnémé. Une mémoire qui, tout entière, se réduit au non-oubli. Or, on l'a deviné, dans le non-oubli, la négation doit être entendue en sa performativité : "l'inoublieux" s'instaure de lui-même. Et, tout comme il fallait oublier la force de refus dissimulée derrière les "maux", un énoncé récurrent dit le renoncement à la mémoire-colère : il faut refuser – à supposer qu'on le puisse – le refus raidi sur soi. Ce qui nous ramène à àlaston pénthos, ce deuil qui ne veut pas se faire. Alastos, donc : fait comme alétheia, d'une négation du radical de l'oubli. Et cependant, une tout autre façon de n'être pas dans l'oubli. Que, dans la langue et la pensée grecques, alétheia l'ait emporté comme nom "positif" de la vérité, cependant que la prose oubliait àlastos, n'étonnera pas trop…


Nicole LorauxDe l'amnistie et de son contraire – [pp. 33-37]
in Usages de l'oubli – Seuil –. 1988
[repris au chapitre VI de La cité divisée – Payot – 1997]



NOTES

1 - S'agissant toutefois d'Achille, Laura Slatkin, dans son ouvrage encore inédit The Wrath of Thetis (« La Colère de Thétis ») suggère que la mênis du héros serait une relecture par déplacement de la "colère" de sa mère Thétis.

2 - L'étymologie populaire rapproche ce mot de méno, parce qu'il s'agit d'une colère durable (Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque); malgré Chantraine, je crois lumineuse l'étymologie qui fait de mênis la déformation d'un originaire °mnanis (C. Watkins, « À propos de mênis » – pp. 205-206)


Dernière édition par Xvarnah le Sam 24 Déc - 21:18, édité 2 fois (Raison : Précision)
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Message par Invité Sam 24 Déc - 22:51


Plus contemporain ? Wink


Trente années de recherches
sur le rêve ou
l'effondrement des paradigmes


Un soir d'avril 1970, à la fin du congrès annuel de l'Association for Psychophysiological
Study of Sleep (APSS) qui avait lieu à Santa Fe (Nouveau-Mexique), j'eus l'occasion de
participer à une réunion avec une dizaine d'amis engagés depuis 1960 dans la recherche des
mécanismes du sommeil et des rêves. Le but de cette réunion « informelle » était d'établir le
bilan de nos recherches au cours de la décennie 1960-1970 et de tenter quelques prédictions
pour la période 1970-1990.


Le bilan d'abord

Les années soixante avaient été particulièrement fécondes : un troisième état de
fonctionnement du cerveau avait été individualisé et il correspondait, très probablement, à
l'activité onirique.

Le rêve devenait ainsi un processus physiologique et nous pensions que les méthodes de la
neurophysiologie allaient nous permettre de résoudre le mystère de ses mécanismes et donc de
sa (ou de ses) fonction(s).

Nous savions déjà où, dans le tronc cérébral, se logeait la machinerie onirique et nous
supposions que l'électrophysiologie allait nous permettre de comprendre comment cette
machine venait exciter périodiquement le cortex cérébral au cours du sommeil.

Les grandes lignes de l'évolution ontogénétique et phylogénétique du sommeil paradoxal
venaient d'être tracées. Bien sûr, l'ornithorynque représentait un mystère puisqu'il ne rêvait
pas, mais ce jeu de la nature ne renversait pas l'ordre que nous apercevions à travers
l'évolution, c'est-à-dire l'apparition d'une possible « fonction onirique » à partir des oiseaux et
chez tous les mammifères, donc chez les homéothermes.

La neuropharmacologie (aidée par le développement récent de la psychopharmacologie) nous
avait appris qu'il était possible de supprimer sélectivement le rêve avec de nouvelles
molécules (comme les inhibiteurs des mono-amines oxydases). C'est ainsi que s'entrouvrait la
porte des monoamines cérébrales (catécholamines et indolamines) qui devrait peut-être nous
livrer le mystère de l'alternance des trois états du cerveau (éveil-sommeil-rêve). Et, comme
certains d'entre nous le pensaient, pourquoi les catécholamines ne seraient-elles pas
responsables de l'éveil et du rêve alors que la sérotonine serait responsable du sommeil !
La neurophysiologie humide (celle des neurotransmetteurs) allait donc sans doute bientôt
l'emporter sur la vieille neurophysiologie sèche (l'électrophysiologie).

Enfin, au cours des années 80, de nombreuses expériences de privation de sommeil paradoxal
(ou de rêves chez l'homme) avaient été réalisées. Nous avions donc appris que ces privations
étaient suivies d'un « rebond de sommeil paradoxal », dont l'intensité était fonction de la durée
de la privation. Il semblait donc exister d'une part une « dette » et d'autre part un
« remboursement », tandis que l'intensité du rebond faisait évoquer la métaphore d'une
« pression liquidienne » (REM pressure).

C'est ainsi qu'à la fin des années soixante apparurent les deux concepts suivants : d'une part, le
sommeil paradoxal où le rêve devait assurer une fonction importante puisque des mécanismes
homéostasiques semblaient compenser ensuite son absence. Malheureusement, si cette
fonction était importante, nous ne la connaissions pas encore !
D'autre part, apparut un modèle « hydraulique » de la privation de sommeil paradoxal : celleci
devait permettre à un facteur « onirogène » de s'accumuler dans le liquide céphalorachidien.
L'augmentation du REM juice, comme disait mon ami W. Dement, devait ensuite
être responsable du rebond. Nous adoptions le même modèle hydraulique qui servit à Freud et
à Lorenz pour expliquer les pulsions. Ainsi, les concepts explicatifs ont également leur
ontogenèse, mais ils peuvent parfois retarder l'évolution d'une discipline...


Les prédictions pour 1990

Sans doute gagnés par une douce euphorie induite par une consommation exagérée de whisky
ou de gin, nous nous sommes mis d'accord pour voter les prédictions suivantes pour 1990 (le
score représente les votes positifs) :

Les mécanismes (7/10) et les fonctions (6/10) du sommeil seraient connus.
Les mécanismes du déclenchement périodique de l'activité onirique seraient connus et le ou
les facteurs onirogènes découverts (8/10). Par contre, aucun de nous (0/10) ne pensait que
nous puissions arriver à expliquer en termes neuronaux l'imagerie fantastique des rêves ni la
conscience de l'éveil.

La connaissance des mécanismes du sommeil paradoxal devrait nous amener à découvrir sa
fonction (ou ses fonctions) (7/10) ou, pour certains, son absence totale de fonction (3/10)
Nous aurions enfin découvert des drogues permettant soit d'induire à volonté le sommeil
physiologique et de le prolonger (8/10), soit de provoquer des éveils de bonne qualité de
plusieurs jours. Dans ce dernier cas, ces drogues devaient être différentes des amphétamines
de façon à n'induire ni tolérance ni aucune dépendance (6/10).

Vingt années ont passé. Nous ne sommes plus que sept et nous sommes restés amis. Notre
société, l'APSS, a changé de nom mais pas de sigle. Elle est devenue l'Association of
Professional Sleep Societies. Le domaine du sommeil a été envahi par la « médecine du
sommeil ». L'étude des ronflements (les apnées au cours du sommeil) ou de l'impuissance
(avez-vous, ou non, une érection au cours de vos rêves ?) est devenue une spécialité fort
profitable. En bref, notre monde a bien changé. Et nos prédictions ?

Les mécanismes du sommeil restent obscurs, même si nous comprenons depuis peu comment
les ondes cérébrales deviennent synchrones ou lentes au fur et à mesure que le sommeil
devient plus profond.

Nous commençons à comprendre comment l'horloge circadienne endogène (située au niveau
des noyaux supra-chiasmatiques) peut contrôler notre éveil et notre sommeil grâce à des
facteurs véhiculés dans le liquide céphalo-rachidien.

Nous ignorons enfin toujours le pourquoi du sommeil, même si nous devinons que c'est au
niveau des mécanismes énergétiques cérébraux qu'il faut aller le chercher...

Les mécanismes des systèmes exécutifs du sommeil paradoxal (c'est-à-dire des orchestres de
neurones qui jouent la partition onirique sous l'influence du chef d'orchestre invisible de
l'activité PGO) sont mieux connus. Nous connaissons même le comment du comment au
niveau de certains systèmes. L'exemple suivant permettra de comprendre cette démarche.

Nous savons, depuis 1959, que le sommeil paradoxal s'accompagne d'une atonie totale. Celleci
fut alors attribuée, selon le paradigme « réticulaire » de l'époque, à la mise en jeu de la
formation réticulée bulbaire inhibitrice. Peu à peu les étapes anatomiques, puis immunohistochimiques,
de ce système furent découvertes. La commande au niveau du pont, le
faisceau ponto-bulbaire, le système bulbo-spinal.

Ensuite, la machinerie biochimique de chaque système fut précisée : cholinoceptive pour le
premier étage, encore inconnue pour le deuxième, glycinergique pour le dernier. Enfin, il a été
vérifié que l'atonie musculaire s'accompagne bien, comme on pouvait le prévoir depuis trente
ans, d'une hyperpolarisation des motoneurones α sous l'influence de la glycine.

Où en sommes-nous en ce qui concerne la machine périodique : l'horloge ou le pacemaker
ultradien des rêves ? De ce côté, les progrès ont été beaucoup plus lents. La période de ce
pacemaker est en rapport étroit avec le poids de l'animal, le poids de son cerveau et son
métabolisme : ainsi, la période d'une souris est de dix minutes, celle du chat vingt-quatre
minutes, de l'homme quatre-vingt-dix minutes, de l'éléphant cent quatre-vingts minutes.

Fort bien, répondent les sceptiques, mais c'est la même chose pour le rythme cardiaque et
respiratoire ! Cependant, nous avons découvert depuis peu comment faire varier la période du
pacemaker (qui était considérée comme invariante car liée à l'espèce) et deviné sa régulation
par des facteurs peptidergiques qui peuvent l'accélérer ou la ralentir.

Depuis peu, nous pouvons également agir à son niveau en faisant varier certains aspects
énergétiques du cerveau. Nous suspectons enfin que les pacemakers sont peut-être multiples.
Peut-être, si nous connaissions tous les « comment » des pacemakers ultradiens, cela nous
apporterait une partie du pourquoi, mais nous n'en sommes pas encore là.

Et le facteur « onirogène », le REM juice, que prévoyait le modèle hydraulique du rebond de
sommeil paradoxal ? Nous en avons d'abord trouvé un (le VIP, vaso active intestinal peptide),
puis deux. Il y en a dix maintenant.
Autant dire qu'il n'y en a pas et que le modèle hydraulique était trompeur.

Le rebond de sommeil paradoxal, qui fait suite à sa privation, n'est pas en effet provoqué par
l'augmentation d'un hypothétique facteur onirogène mais par de nombreux facteurs
hypothalamo-hypophysaires qui sont libérés au cours du « stress » de la privation. Ainsi,
chaque événement anxiogène de notre vie éveillée peut mettre en jeu, par des processus que
nous commençons à comprendre, une cascade d'événements qui, après l'apparition du
sommeil, viendront augmenter la durée des premiers rêves de la nuit.

Avons-nous trouvé une fonction à l'activité onirique ou au sommeil paradoxal ? La réponse
est négative. Ce n'est pas par manque d'hypothèses mais, au cours de ces vingt années, nous
avons appris à manier les médicaments destinés à traiter les hypersomnies, surtout la
narcolepsie, et les dépressions. La majorité de ces drogues (inhibiteurs des monoamines
oxydases, antidépresseurs tri-cycliques) suppriment complètement les rêves (sur le plan
subjectif et objectif des enregistrements de sommeil). Certains sujets peuvent ainsi mener une
vie entièrement normale, sans trouble de la mémoire, pendant des semaines ou des mois,
malgré la suppression totale de leur sommeil paradoxal.

Les pharmacologues n'ont pas encore découvert de drogues permettant d'induire ou de
prolonger le sommeil physiologique. Bien sûr, il est facile de s'endormir rapidement en
absorbant des benzodiazépines. Bientôt, surviendra la tolérance, puis la dépendance, puis
l'insomnie qui fait suite à leur arrêt.

Ce n'est qu'au niveau de l'éveil que des progrès importants sont survenus depuis vingt ans. La
découverte de molécules dites eugrégoriques (Adrafinil-Modafinil), qui procurent un éveil de
bonne qualité (eu = bon, gregor = éveil), a permis en effet de renoncer aux amphétamines
dans le traitement de la majorité des hypersomnies. Ces médicaments n'entraînent ni
tolérance, ni dépendance et une meilleure connaissance de leur mécanisme d'action éveillante
devrait nous permettre bientôt de mieux connaître les mécanismes de l'éveil.

Ainsi, dans l'ensemble, nous sommes loin d'avoir atteint les objectifs que nous nous étions
fixés en 1970. Il est bien facile de comprendre pourquoi a posteriori.

Le jeu de prospectives que nous avions tenté en 1970 avait, comme toute tentative pour
deviner l'avenir, très peu de chances de réussir. Nul ne peut, au niveau des systèmes
complexes, prévoir ce qui se passera dans quelques mois ou quelques années. C'est pourquoi,
sur le plan politique, économique et scientifique, ceux qui prévoient l'avenir ont ensuite le
plus grand mal à expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passées comme ils l'avaient
prévu !

Les deux processus suivants, constructeurs et destructeurs, liés de façon dialectique, sont
venus contrarier la belle courbe du progrès des connaissances de l'activité onirique que nous
avions extrapolée à partir des données accumulées au cours des années soixante.

[...]


Le problème des fonctions du rêve

La physiologie est l'étude des fonctions, c'est-à-dire l'étude des mécanismes des « causes
finales » – circulation, respiration, nutrition, reproduction, régulation de l'homéostasie
liquidienne ou ionique, vision, intégration visuo-motrice, mémoire, apprentissage, etc. Ces
processus ont un but fonctionnel évident. Il est donc aisé de recueillir des paramètres qui
permettent de s'assurer que la fonction est correctement assurée. Le rôle du physiologiste sera
donc de faire varier les « entrées » du système et de comprendre les différentes régulations qui
s'exercent. Par exemple, après privation de liquide, quels sont les récepteurs intra- ou
extracrâniens qui sont sensibles à l'osmolarité, les signaux qu'ils émettent, la réponse et le
point d'impact des systèmes hormonaux de régulation ?

Mais le neurophysiologiste qui étudie le rêve n'a ni cause ni fonction. Il ne peut commander
l'apparition du sommeil paradoxal et ne peut constater que l'« automatisme » apparent d'un
pacemaker pontobulbaire. Les seuls paramètres (durée, quantité de sommeil paradoxal) dont
le physiologiste peut disposer sont des quantités aussi étranges que des nombres irrationnels.
La fréquence respiratoire a une signification pour l'organisme que connaît le physiologiste. La
durée de la période du rêve n'en a encore aucune.

Ainsi, l'hypno-onirologue possède un statut bien particulier au sein des neurosciences. Il sait
qu'il n'y a pas de véritable cause au sommeil et aux rêves, mais une constellation de
conditions suffisantes qui doivent toutes être présentes. En général, c'est la dernière condition
expérimentale qui est tenue pour la cause. Or ce chercheur à la recherche d'une cause est
également veuf d'une fonction.

Il nous faut donc bien avouer notre ignorance considérable lorsque nous étudions le sommeil
et le rêve. Même si intuitivement nous devinons que l'un des rôles du sommeil est
d'économiser l'énergie cérébrale, nous savons aussi qu'il prépare les conditions suffisantes à
l'apparition du rêve. Mais pourquoi l'évolution nous a-t-elle construit un cerveau qui
périodiquement, au cours du sommeil, est soumis à une machinerie qui délivre des images
fantasques, paralyse notre tonus musculaire, supprime la plupart des régulations
homéostasiques et déclenche une érection ? Nous connaissons beaucoup de comment sans que
cela nous autorise à connaître le pourquoi puisque nous sommes incapables de déceler des
modifications évidentes au niveau du comportement, du cerveau ou de l'organisme lorsque
nous supprimons durablement le sommeil paradoxal ou le rêve chez l'animal ou chez
l'homme. Avons-nous été une génération d'aveugles depuis 1960 ? Et la prochaine génération,
aveugle à sa propre cécité, s'étonnera de notre aveuglement.


Michel JouvetLe sommeil et le rêve – [pp.201-212]
Éditions Odile Jacob – 1992



Dernière édition par Xvarnah le Dim 25 Déc - 6:22, édité 1 fois
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Message par Invité Dim 25 Déc - 6:07

santa Enfin puisque c'est Noël et bientôt le Nouvel an, deux magnifiques proses :

 « Faites en sorte que je puisse vous parler. » – « Oui, mais avez-vous une idée de ce que je
devrais faire pour cela ? » – « Persuadez-moi que vous m'entendez. » – « Eh bien, commence,
parle-moi. » – « Comment pourrais-je commencer à parler, si vous ne m'entendez pas ? » –
« Je ne sais. Il me semble que je t'entends. » – « Pourquoi ce tutoiement ? Vous ne tutoyez
jamais personne. » – « C'est bien la preuve que je m'adresse à toi. » – « Je ne vous demande
pas de parler : entendre, seulement entendre. » – « T'entendre ou entendre en général ? » –
« Non pas moi, vous l'avez bien compris. Entendre, seulement entendre. » – « Alors, que ce
ne soit pas toi qui parles, lorsque tu parles. »

Et donc en un seul langage toujours faire entendre la double parole.
C'était une sorte de lutte qu'elle poursuivait avec lui, une explication silencieuse par
laquelle elle lui demandait et lui rendait raison.

[pp. 14-15]

[…]

 « Il y a encore un long chemin. » – « Mais non pas pour nous mener loin. » – « Pour nous
conduire au plus proche. » – « Quand tout ce qui est proche est plus loin que tout lointain. »

C’est comme si elle portait en elle la force de la proximité. Loin – quand elle est debout
contre la porte –, nécessairement proche et toujours approchant, mais près de lui, n’étant
encore que proche et, plus près, tout entière éloignée par la proximité qu’elle rend manifeste.
Quand il la tient, il touche cette force d’approche qui rassemble la proximité et, dans cette
proximité, tout le lointain et tout le dehors.

« Vous êtes proche, elle est seulement présente. » – « Mais je ne suis que proche, alors
qu’elle est la présence. » – « C’est vrai : seulement proche; je ne renierai pas ce seulement. Je
lui dois de vous tenir là. » – « Parce que vous me tenez ? » – « Eh bien, vous me tenez aussi. »
– « Je vous tiens. Mais proche de qui ? » – « Proche : proche de tout ce qui est proche. »
« Proche, mais pas nécessairement de vous ni de moi ? » – « Ni de l’un ni de l’autre. Mais
c’est ce qu’il faut. C’est cela, la beauté de l’attrait : jamais vous ne serez assez proche et
jamais trop proche; et pourtant toujours tenus et attenant l’un à l’autre. »

Tenus et attirés en cette attenance. Ce qui attire, c’est la force de la proximité qui tient sous
l’attrait, sans jamais s’épuiser en présence et jamais se dissiper en absence. Dans la proximité,
touchant non pas la présence, mais la différence.

« Proche, même si je ne parle pas ? » – « Laissant alors parler la proximité. »

Ce qui parlait en elle, c’était l’approche, approche de parole, parole de l’approche, et
toujours s’approchant, dans la parole, de la parole.

« Mais si je suis proche, c’est que vous l’êtes aussi. » – « Assurément. Pourtant, on ne peut
pas vraiment le dire. » – « Que peut-on dire ? » – « Que je suis là. » – « Tandis que je ne suis
pas vraiment là ? » – « Vous êtes là, dans la proximité. C’est votre privilège, c’est la vérité de
l’attrait. » L’attrait, la manière dont l’approche répond à tout en approchant.

« Nous ne traverserons donc jamais la proximité ? » – « Mais toujours nous rencontrant à
proximité. »


 Elle est debout contre la porte, immobile; manifestement, elle le regarde. C’est peut-être le
seul moment où il soit sûr qu’elle devrait le découvrir, ignorant toutefois ce que signifie pour
elle le fait d’être là et comment elle le voit : un homme qu’elle a confusément aperçu tout à
l’heure de son balcon et auquel elle vient demander, dans un mouvement d’irritation peu
réfléchie, le sens d’un geste sur lequel il n’y a évidemment rien à dire. Elle s’en rend compte
sans doute, au moment même où elle entre apparemment sans frapper, c’est un point sur
lequel il devra l’interroger plus tard, mais cette sorte de politesse s’accorderait mal avec le
caractère véhément de sa démarche. À supposer que l’irritation en soit le seul motif. C’est
difficile à croire. Pour l’instant, elle apparaît, tout aussi bien, gênée; peut-être par la pensée du
malentendu auquel peut donner lieu une telle initiative, difficile à justifier et à tout le moins
surprenante; d’où la surprise qui est le trait le plus évident de sa présence, celui qui le
déconcerterait lui-même, si, avec la tranquille assurance de la jeunesse, il n’était prêt à ne rien
voir d’extraordinaire dans cette venue. La surprise est visible : elle a si bien pris la suite de la
colère que celle-ci semble se confondre avec le côté abrupt et fermé de la surprise, soit qu’elle
la ressente, soit qu’elle la manifeste, dans sa présence surprenante, surprenante aussi pour
cette raison qu’elle rend déplacée toute autre présence, au point que c’est lui qui devrait se
sentir un intrus dans cette chambre qu’il partage momentanément avec elle. Ce sentiment
d’intrusion ne fait que l’effleurer. Loin de songer à lui céder la place, il éprouve la froide
jubilation du chasseur, lorsque le piège a fonctionné et livre, dans une proximité maintenant
sûre, la prise attendue. L’idée qu’elle est là et qu’il ne la laissera pas repartir, est donc à peu
près la seule qui doive l’occuper en cet instant.

C’est une chambre assez longue, anormalement étroite, il s’en est déjà aperçu; mais ce
resserrement d’une pièce légèrement mansardée lui donne l’aspect d’un couloir, par suite de
cette présence à l’une des extrémités, présence qui accentue le déséquilibre des dimensions.

Ce qui fait penser qu’elle connaît familièrement la chambre, c’est que lorsqu’elle y entre,
probablement sans frapper, et d’une manière si abrupte qu’il a l’impression d’être lui-même
entré chez elle et de la surprendre dans cette attitude d’immobilité étonnée, gênée, indignée,
elle ne regarde pas, même fugitivement, autour d’elle (comme ne peut manquer de le faire
celui qui arrive dans un endroit inconnu), mais se fixe exactement dans la seule direction où il
importe qu’elle soit tournée. Vers lui. C’est naturel. À condition qu’elle vienne bien pour le
voir, et non pas pour d’autres raisons qui lui échappent encore et qui justifieraient d’une façon
plus satisfaisante sa démarche : si, par exemple, elle a saisi ce prétexte pour s’introduire dans
la chambre à laquelle la rattacherait le souvenir de quelque épisode antérieur, d’où
l’impression de familiarité, d’intimité, mais aussi de mésentente qu’il croit avoir discernée
entre elle et le milieu. Il se pourrait que sa présence, le signe qu’il lui a adressé, les avances
qu’il lui a faites, aient brusquement réveillé un passé dont elle a subi l’attrait avant de le
contrôler ou, plus simplement, qu’il y ait eu méprise et que, de loin, elle l’ait pris pour
quelqu’un qu’elle a déjà rencontré, mais qu’elle découvre à présent n’être pas celui qu’elle
avait identifié, encore qu’il garde avec ce personnage les traits d’une ressemblance assez
troublante pour empêcher l’erreur de se dénoncer tout à fait. Naturellement, il est libre de
croire qu’en répondant comme machinalement et obligatoirement à son invite, elle ne fait que
se soumettre à la pratique du lieu, s’il est vrai, comme il croit le savoir, qu’une partie de
l’hôtel est réservée à de tels va-et-vient. Cette idée ne lui déplaît pas.


 Quand il lui avait dit : « Venez » – et elle s’approche aussitôt lentement, non pas malgré
elle, mais avec une simplicité qui ne rend pas sa présence plus proche –, n’aurait-il pas dû, au
lieu de formuler cette invitation impérieuse, se porter à sa rencontre ? Mais peut-être a-t-il eu
peur de l’effrayer par son geste; il veut la laisser libre et, si elle ne l’est pas de son initiative,
libre encore de son mouvement. (Elle choisit un mouvement très lent, le plus étranger à
l’hésitation à cause même de sa lenteur, mouvement où se retient l’immobilité qui lui est
propre et qui contraste avec la brièveté de l’invitation autoritaire.) C’est donc bien un mot
d’autorité ? – Mais aussi d’intimité. – Un mot violent. – Mais ne portant que la violence d’un
mot. – La portant loin. – Atteignant le lointain sans lui porter atteinte. – Par ce mot, ne
l’arrache-t-il pas au lointain ? – Il l’y a laissée. – Elle est donc toujours au plus loin ? – Mais
c’est le lointain qui est proche.

Le mot n’est que le prolongement du signe qu’il lui a fait. Le signe en durant se change en
un mot d’appel prononcé nécessairement à voix basse sur un ton d’impersonnalité où
s’affirme l’attrait de l’étendue. Mais le signe ne disait rien ? Il faisait signe en désignant. Mais
l’appel est plus exigeant ? Il va vers ce qu’il appelle. Mais il fait venir ? Seulement ce qui
demande à venir en l’appel. Mais il interpelle ? Il répond en appelant.

[…]

 « Quand vous vous approchiez... » – « Pourquoi parlez-vous au passé ? » – « Par plus de
commodité; la parole veut parler au passé. » – « Vous ne voulez pas compromettre cette
présence, je le sais, je l’ai toujours su, et où est-elle maintenant ? » – « Eh bien, là où vous
êtes. Mais je puis le dire : assise sur le divan, le corps légèrement détourné, la tête un peu
penchée, comme inclinée. » – « Elle n’est donc plus tournée vers vous ? » – « Non, pas
exactement. » – « Pourquoi tant d’imprécisions ? » Et soudain : « Mais vous, où êtes-vous ? »
– « Je crois que je suis venu m’asseoir auprès d’elle, mais un peu en arrière, puisqu’elle est au
bout du divan, et assez près pour pouvoir toucher ses épaules que la nuque courbée laisse
découvertes. » – « Je vois. Vous allez la faire glisser et ainsi l’attirer peu à peu contre vous ? »
– « Peut-être, c’est un mouvement naturel. » – « N’est-ce pas lâche ? Elle ne peut résister
ainsi. » – « Pourquoi résisterait-elle ? Tout est joué depuis longtemps. Avez-vous une raison
pour défendre ce point de vue ? » – « Quel point de vue ? » – « Qu’elle voudrait que les
choses en restent là ? » – « Elle ne le veut pas, c’est entendu. Cependant, pourquoi est-elle
ainsi tournée, presque détournée ? Ce n’est pas une attitude de simple consentement, il faut en
tenir compte. » – « C’est vrai, il faut en tenir compte. Mais c’est sa manière de répondre à
l’attrait, ne refusant ni n’acceptant, par une simplicité qui a toujours déjà rendu vaine la
différence de ces façons de faire. » – « Cependant tout n’est pas dit. » – « Rien n’est dit. »

« À quel moment avez-vous décidé d’aller là-bas ? » – « Là-bas, sur ce divan ? » – « Oui. »
– « Quand je l’y ai vue assise elle-même. » – « Vous attendant ? » – « M’attendant, ne
m’attendant pas. » – « Et n’avez-vous pas craint de lui faire peur ? » – « Je ne me le suis pas
demandé alors, j’ai agi très rapidement. » – « Oui, vous êtes prompt. Et quand elle s’est
aperçue de votre présence ? » Comme il ne répondait pas : « Quand vous l’avez saisie par les
épaules, elle ne s’est pas raidie ? » – « Eh bien, vous savez, c’était un contact très léger;
simplement une manière de lui suggérer que j’étais là et que nous avions désormais tout le
temps. » – « Oui, c’est agréable, cette impression que les distances ont tout à coup disparu et
que l’histoire ne peut que suivre son cours. Mais ne croyez-vous pas que vous avez fait preuve
de trop d’assurance ? N’étiez-vous pas trop sûr de vous ? » – « On peut le penser. Ces choses
se font nécessairement à cause d’une assurance excessive. » – « Vous ne la connaissiez pas.
Vous ne saviez pas pourquoi elle était venue. » – « Je ne le savais pas, mais je ne faisais rien
que le lui demander. » – « De cette manière ? » – « Ah, elle est plus simple que vous. »

« Et n’oubliez pas que pendant tout ce temps m’était donné le sentiment remarquable d’une
merveilleuse force d’approche : tout dépendait de cela. » – « Quelqu’un d’étranger peut aussi
s’approcher. » – « Assurément, et même seulement ce qui est étranger; c’est ce qui rend la
chose merveilleuse. J’avais l’impression de lui être plus inconnu qu’à aucune personne que
j’eusse jamais rencontrée jusqu’ici. » – « C’est pourquoi vous jugiez que vous pouviez aller
de l’avant sans embarras ? » – « Quelqu’un qui ne vous connaît d’aucune manière et que l’on
ne connaît d’aucune manière : c’est le plaisant de ces rencontres. Mais il y avait autre chose. »
– « Eh bien ? » – « Eh bien, c’est difficile à dire. Elle se laissait aisément regarder. » – « À ce
point ! Vous voulez dire qu’elle se donnait complaisamment en spectacle ? » – « Je ne dirai
pas cela. S’il est vrai qu’il règne une certaine impression spectaculaire – mais très diluée,
raréfiée, spectacle qui se passerait dans une zone que je serais dispensé de surveiller –, elle
n’y participe pas; peut-être en est-elle frustrée, au contraire. » – « N’est-ce pas qu’en vérité
vous la regardiez plutôt avec insouciance ? » – « Peut-être, mais par l’insouciance qui venait
d’elle : oui, sans me soucier d’avoir le droit de la regarder. »

Comme si regarder n’était pas seulement lié à l’exercice du pouvoir de regarder, mais
enraciné dans l’affirmation de sa présence déjà si découverte, pourtant encore cachée.

« Pourquoi se laisse-t-elle ainsi voir ? » – « Par plaisir, j’imagine, le plaisir d’être visible. »
– « Pourtant jamais assez. » – « Naturellement, jamais assez. »

[pp. 115 – 127]

[…]

 « Lorsque je me tiens devant toi et que je voudrais te regarder, te parler... » – « Il la saisit et
l'attire, l'attirant hors de sa présence. » – « Lorsque je m'approche, immobile, mon pas lié à
ton pas, calme, précipité... » – « Elle se renverse contre lui, se retenant se laissant aller. » –
« Lorsque tu vas en avant, me frayant un chemin vers toi... » – « Elle glisse, se soulevant en
celle qu'il touche. » – « Lorsque nous allons et venons par la chambre et que nous regardons
un instant... » – « Elle se retient en elle, retirée hors d'elle, attendant que ce qui est arrivé
arrive. » – « Lorsque nous nous éloignons l'un de l'autre, et aussi de nous–mêmes, et ainsi
nous rapprochons, mais loin de nous... » – « C'est le va–et–vient de l'attente : son arrêt. » –
« Lorsque nous nous souvenons et que nous oublions, réunis : séparés... » – « C'est
l'immobilité de l'attente, plus mouvante que tout mouvant. » – « Mais lorsque tu dis “Viens”
et que je viens dans ce lieu de l'attrait... » – « Elle tombe, donnée au dehors, les yeux
tranquillement ouverts. » – « Lorsque tu te retournes et me fais signe... » – « Elle se détourne
de tout visible et de tout invisible. » – « Se renversant et se montrant.» – « Face à face en ce
calme détour. » – « Non pas ici où elle est et ici où il est, mais entre eux. » – « Entre eux,
comme ce lieu avec son grand air fixe, la retenue des choses en leur état latent. »

[pp. 161-162]


Maurice Blanchot L’attente l’oubli
Gallimard – 1983


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Message par Invité Dim 25 Déc - 6:14


Vous devriez ne pas la connaître, l'avoir trouvée partout à la fois, dans un hôtel, dans une rue, dans un train, dans un bar, dans un livre, dans un film, en vous-même, en vous, en toi, au hasard de ton sexe dressé dans la nuit qui appelle où se mettre, où se débar-rasser des pleurs qui le remplissent.

Vous pourriez l'avoir payée.
Vous auriez dit : Il faudrait venir chaque nuit pendant plusieurs jours.
Elle vous aurait regardé longtemps, et puis elle vous aurait dit que dans ce cas c'était cher.

Et puis elle demande : Vous voulez quoi ?
Vous dites que vous voulez essayer, tenter la chose, tenter connaître ça, vous habituer à ça, à ce corps, à ces seins, à ce parfum, à la beauté, à ce danger de mise au monde d'enfants que représente ce corps, à cette forme imberbe sans accidents musculaires ni de force, à ce visage, à cette peau nue, à cette coïncidence entre cette peau et la vie qu'elle recouvre.
Vous lui dites que vous voulez essayer, essayer plusieurs jours peut-être.
Peut-être plusieurs semaines.
Peut-être même pendant toute votre vie.
Elle demande : Essayer quoi ?
Vous dites : D'aimer.

Elle demande : Pourquoi encore ?
Vous dites pour dormir sur le sexe étale, là où vous ne connaissez pas.
Vous dites que vous voulez essayer, pleurer là, à cet endroit-là du monde.
Elle sourit, elle demande : Vous voudriez aussi de moi ?

Vous dites : Oui. Je ne connais pas encore, je voudrais pénétrer là aussi. Et aussi violemment que j'ai l'habitude. On dit que ça résiste plus encore, que c'est un velours qui résiste plus encore que le vide.
Elle dit qu'elle n'a pas d'avis, qu'elle ne peut pas savoir.

Elle demande : Quelles seraient les autres conditions ?
Vous dites qu'elle devrait se taire comme les femmes de ses ancêtres, se plier complètement à vous, à votre vouloir, vous être soumise entièrement comme les paysannes dans les granges après les moissons lorsque éreintées elles laissaient venir à elles les hommes, en dormant – cela afin que vous puissiez vous habituer peu à peu à cette forme qui épouserait la vôtre, qui serait à votre merci comme les femmes de religion le sont à Dieu – cela aussi, afin que petit à petit, avec le jour grandissant, vous ayez moins peur de ne pas savoir où poser votre corps ni vers quel vide aimer.

Elle vous regarde. Et puis elle ne vous regarde plus, elle regarde ailleurs. Et puis elle répond.
Elle dit que dans ce cas c’est encore plus cher. Elle dit le chiffre du paiement.
Vous acceptez.

[pp. 7 – 11]

[...]

Elle sourit, elle dit que c'est la première fois, qu'elle ne savait pas avant de vous rencontrer que la mort pouvait se vivre.

Elle vous regarde à travers le vert filtré de ses prunelles. Elle dit : Vous annoncez le règne de la mort. On ne peut pas aimer la mort si elle vous est imposée du dehors. Vous croyez pleurer de ne pas, aimer. Vous pleurez de ne pas imposer la mort.

Elle est déjà dans le sommeil. Elle vous dit d'une façon à peine intelligible : Vous allez mourir de mort. Votre mort a déjà commencé.
Vous pleurez. Elle vous dit : Ne pleurez pas, ce n'est pas la peine, abandonnez cette habitude de pleurer sur vous-même, ce n’est pas la peine.

Insensiblement la chambre s'éclaire d'une lumière solaire, encore sombre,
Elle ouvre les yeux, elle les referme. Elle dit : encore deux nuits payées, ça va finir. Elle sourit et de sa main elle caresse vos yeux. Elle se moque en dormant.

Vous continuez à parler, seul au monde comme vous le désirez. Vous dites que l'amour vous a toujours paru déplacé, que vous n'avez jamais compris, que vous avez toujours évité d'aimer, que vous vous êtes toujours voulu libre de ne pas aimer. Vous dites que vous êtes perdu. Vous dites que vous ne savez pas à quoi, dans quoi vous êtes perdu.

Elle n'écoute pas, elle dort.
Vous racontez l'histoire d'un enfant.
Le jour est venu aux fenêtres.

Elle. ouvre les yeux, elle dit : Ne mentez plus. Elle dit qu'elle espère ne jamais rien savoir de la façon dont vous, vous savez, rien au monde. Elle dit : Je ne voudrais rien savoir de la façon dont vous, vous savez, avec cette certitude issue de la mort, cette monotonie irrémédiable, égale à elle-même chaque jour de votre vie, chaque nuit, avec cette fonction mortelle du manque d'aimer.
Elle dit : Le jour est venu, tout va commencer, sauf vous. Vous, vous ne commencez jamais.

Elle se rendort. Vous lui demandez pourquoi elle dort, de quelle fatigue elle a à se reposer, monumentale. Elle lève la main et de nouveau elle caresse votre visage, la bouche peut-être, Elle se moque encore en dormant. Elle dit : Vous ne pouvez pas comprendre du moment que vous posez la question. Elle dit que de la sorte elle se repose aussi de vous, de la mort.

Vous continuez l'histoire de l'enfant, vous la criez. Vous dites que vous ne savez pas toute l'histoire de, l'enfant, de vous. Vous dites que vous, avez entendu raconter cette histoire. Elle sourit, elle dit qu'elle a entendu et lu aussi beaucoup de fois cette histoire, partout, dans beaucoup de livres. Vous demandez comment le sentiment d'aimer pourrait survenir. Elle vous répond : Peut-être d'une faille soudaine dans la logique de l'univers. Elle dit : Par exemple d'une erreur. Elle dit jamais d'un vouloir. Vous demandez : Le sentiment d'aimer pourrait-il survenir d'autres choses encore ? Vous la suppliez de dire. Elle dit : De tout, d'un vol d'oiseau de nuit, d' un sommeil, d'un rêve de sommeil, de l'approche de la mort, d'un mot, d'un crime, de soi, de soi-même, soudain sans savoir comment. Elle dit : Regardez. Elle ouvre ses jambes et dans le creux de ses jambes écartées vous voyez enfin la nuit noire.
Vous dites : C'était là, la nuit noire, c'est là.

Elle dit : Viens. Vous venez Entré dans elle, vous pleurez encore. Elle dit : Ne pleure plus. Elle dit : Prenez-moi pour que cela ait été fait.

Vous le faites, vous prenez.
Cela est fait.
Elle se rendort.

Un jour elle n’est plus là. Vous vous réveillez et elle n’est plus là. Elle est partie dans la nuit La trace du corps est encore dans les draps, elle est froide.

[pp. 48-53]


Margueritte DurasLa maladie de la mort
Les Éditions de Minuit – Paris 1997
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Message par norsum Dim 25 Déc - 16:40

Impressionnant !
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Message par Invité Lun 26 Déc - 12:06

norsum a écrit:Impressionnant !

Oui, norsum.

Côté philosophie, je vous propose aujourd'hui une conférence passionnante de Sylviane Agacinsky (d'une trentaine de minutes) intitulée Que reste-t-il de l'autre sexe ?. Cette conférence a été prononcée dans le cadre suivant :

La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Lemans10





La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Lemans11





Notule

Il convient bien sûr, en pareille matière, de conserver le recul que ne manque pas de prodiguer l'exercice de l'esprit critique, au sens que cette discipline confère à ce terme. À titre d'exemple, les propos que Syliviane Agacinski tient au sujet de ce très grand philosophe que fut Emmanuel Lévinas devraient sans doute être tempérés par la lecture de tel passage des écrits de ce penseur contemporain:


Mais la division de l'humain en féminin et en masculin dans son rapport avec l'humanité de l'homme ouvre encore d'autres perspectives :

Celui qui dit que « côte » signifie « visage » s'accorde avec le texte qui dit :
« mâle et femelle il les créa à la fois » (Gen., 5, 2). Comment celui qui dit
que « côte » signifie « queue » s'arrange t il avec « mâle et femelle il les créa
à la fois » ?

Il faut suivre la leçon de Rabbi Abahou. Car Rabbi Abahou objecta : il est
écrit : « Il les créa mâle et femelle » (Gen., 5, 2) et il est écrit (Gen., 9, 6)
« L'homme a été fait à l'image de Dieu. » Comment est ce possible ? Il eut
d'abord l'idée d'en créer deux, et, en fin de compte, il n'en a créé qu'un seul.

Si la côte signifie « côté », le visage féminin égale, dans le premier homme, le visage masculin. Nous retrouvons alors le sens de « Mâle et femelle il les a créés à la fois ». Est il
possible que la création de la femme, à partir d'une articulation mineure de l'homme, puisse valoir autant que la merveilleuse idée de la femme d'emblée égale à l'homme, de la femme comme « l'autre côté » de l'homme ?

Il ne s'agit pas, dans toute cette recherche, de la compossibilité de versets ; il ne s'agit pas de raccords entre textes, mais d'un enchaînement d'idées dans ses multiples possibilités. Le problème, dans chacun des alinéas que nous commentons en ce moment, consiste à concilier l'humanité des hommes et des femmes avec l'hypothèse d'une spiritualité du masculin, le féminin n'étant pas son corrélatif, mais son corollaire, la spécificité féminine ou la différence de sexes qu'elle annonce ne se situant pas d'emblée à la hauteur des oppositions constitutives de l'Esprit. Audacieuse question : comment l'égalité des sexes peut-elle provenir de la priorité du masculin? [Je souligne - Xvarnah] Cela, soit dit en passant, nous éloigne en tout cas de l'idée simple de la complémentarité.

Emmanuel LévinasDu Sacré au Saint – Cinq nouvelles lectures talmudiques
Extrait du chapitre intitulé : « Et Dieu créa la femme » – [pp. 140-141] – Éditions de Minuit – 1981



Note technique : Il suffit de cliquer sur l'image où figure la photographie de Sylviane Agacinski pour accéder à la page de l'article publié par Le Monde qui permet d'écouter ladite conférence.


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Message par Invité Lun 26 Déc - 12:15


Dans le même esprit, le débat suivant mené par Sylviane Agacinski dans un autre article publié par Le Monde et intitulé L'égalité des sexes est-elle synonyme d'équivalence ?, est lui aussi fort instructif tant par les questions qui y sont posées que par les réponses apportées :


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Message par Invité Lun 26 Déc - 15:22


Pour conclure provisoirement, cette succincte revue documentaire de la très vaste et complexe problématique relative à l'altérité des genres, vous pardonnerez peut-être à un passionné du langage de présenter ici deux contributions consacrées à l'étude de ces langues que l'on apprend avant même de pouvoir réfléchir à ce dont elles sont porteuses et qui, dès le plus jeune âge, de même que les comportements tant parentaux que sociaux, inscrivent au plus profond de nos mémoires le programme d'un héritage de longue date légué.

La première de ces contribution s'intéresse l'usage de cette langue dite "maternelle" tel que le pratiquent les tenant(e)s de l'un et l'autre genre :


D’autant que dans le discours des femmes, et quel que soit leur/notre assujettissement, il y a des valeurs de subjectivité à conserver. Ainsi, d’après mes analyses réalisées à partir de corpus spontanés ou expérimentaux :

1. les femmes mettent beaucoup plus en scène la relation à l’autre sexe, alors que les hommes restent entre eux;

2. les femmes s’intéressent beaucoup plus aux autres en général, ce qui se marque, par exemple, dans le monde des verbes transitifs utilisés avec un objet animé personne : “Je le lave”, “Je le salue”, “Je l’aime”, ou “Tu me laves”, “M’aimes-tu ?” etc., mais surtout dans l’usage beaucoup plus fréquent de prépositions indiquant des relations entre les personnes : avec, par exemple;

3. les femmes s’intéressent beaucoup plus à la question du lieu : elles sont auprès des choses, des autres;

4. les femmes s’intéressent beaucoup plus aux qualités des personnes, des choses, de l’action, et leur discours contient bien plus d’adjectifs et d’adverbes que celui des hommes, ce qui pose un problème linguistique très intéressant sur un discours antérieurement tenu par elles;

5. les femmes s’intéressent plus au présent et au futur, les hommes au passé;

6. les femmes sont plus attentives au message à transmettre que les hommes; toujours, elles s’efforcent de dire quelque chose, les hommes demeurant plus dans l’inertie ou le jeu linguistique à moins que leur message exprime leurs états d’âme.

Je ne crois pas qu’il faille supprimer ces qualités du discours féminin. Au contraire, il faut permettre aux femmes d’attester publiquement de leur valeur. Perdront-elles pour autant ces qualités ? Je ne le pense pas. Elles font partie de leur identité sexuelle. L’important est qu’elles deviennent des sujets libres en restant ou devenant femmes et non en s’efforçant de devenir des hommes ? Ce devenir implique que, tout en gardant l’intimité de leur sexe d’une totale visibilité, elles acquièrent les représentations linguistiques et iconographiques correspondant à leur identité. Cela signifie qu’elles disposent de normes lexicales et morphologiques qui valorisent le féminin, que les images d’elles soient valorisantes, qu’elles disposent de moyens linguistiques et artistiques, pour passer de l’empirique au transcendantal : du je <=> elle <=> Elle.

Les hommes aujourd’hui, sans partenaires sexuels valables, tiennent un discours répétitif, passéiste, abstrait, désubjectivé par la technologie, coupé de l’environnement concret et vivant. Ils passent leur vie à équivaloir leurs pères ou frères sans cultiver leurs corps, leur sexualité. Ils produisent des objets ou des machines concurrentiels, consommables et échangeables, mais ne se produisent pas comme sujets sexués.

Une culture sexuelle est encore à développer. Je pense que Marx, Freud, les mouvements de libération sexuelle, ont ouvert des questions qu’il ne faut pas réciter comme vérités ou dogmes mais dont il faut poursuivre l’élaboration. Notre civilisation en a besoin. Elle ne peut pas se payer le luxe que les pulsions de mort dominent sans cesse les pulsions de vie, si je m’en tiens à cette terminologie beaucoup trop dichotomique à mon goût. Elle ne peut pas continuer l’éternelle guerre entre hommes, entre les hommes et la nature, à défaut de faire alliance publique et culturelle entre l’homme et la femme, le monde des femmes et celui des hommes.


Luce IrigaraySexes et genres à travers les langues – [pp. 64-65]
Grasset – 1990


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Message par Invité Lun 26 Déc - 15:35


Pour la seconde contribution, j'ai choisi la belle fiche de lecture qu'à près d'une génération d'écart un homme a rédigée au sujet du fameux ouvrage de la linguiste Marina Yaguello publié en 1978 chez Payot, ouvrage qui s'intule Les mots et les femmes et dont vous pouvez lire ci-dessous un bref résumé :

« Comment les femmes parlent-elles ? Comment se parlent-elles ? Comment leur parle-t-on ? Et comment parle-t-on d'elles ? Les femmes et les hommes parlent-ils la même langue ? Quel rôle jouent la métaphore sexuelle, les connotations dépréciatives, les insultes à caractère sexuel comme véhicules de l'idéologie sexiste ? Ce livre tente de cerner le langage dans sa diversité sexuelle posée comme culturelle et non pas " naturelle ". »




Note technique : Il suffit de cliquer sur l'image ci-dessus pour accéder à la fiche de lecture en question.


Dernière édition par Xvarnah le Lun 26 Déc - 21:40, édité 2 fois (Raison : Correction)
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Message par Invité Lun 26 Déc - 21:26

Pas facile d'être profane dans les sujets que tu présentes XVARNAH !
J'ai lu avec attention,mais dans de nombreux cas il ne me reste que
l'idée générale qui éclaire quand même d'un jour nouveau ma réflexion.
Le dictionnaire ne suffit pas toujours à dégager la pensée
essentielle du texte pour laquelle des études approfondies sont
nécessaires.C'est la que tu excelles et que mes difficultés
commencent !
Et puis,aussi,en parlant de mémoire,beaucoup de ce que
je savais se promène dans les méandres de mon cerveau,tandis que
ce que je cherche à retenir sur l'instant a du mal à "s'imprimer"
suffisamment longtemps pour en tirer un profit à long terme....Sans
doute le manque d'exercice et de ce temps présent,déjà passé,qui
inexorablement montre l'impuissance à rattraper le temps perdu.
Que s'améliorer donc ! Je repars à zéro dans l'attente
dans apprendre d'avantage.....Avec mes remerciements.
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Message par Invité Lun 26 Déc - 22:26

GEORGES-ALAIN a écrit:Pas facile d'être profane dans les sujets que tu présentes XVARNAH !
J'ai lu avec attention,mais dans de nombreux cas il ne me reste que
l'idée générale qui éclaire quand même d'un jour nouveau ma réflexion.
Le dictionnaire ne suffit pas toujours à dégager la pensée
essentielle du texte pour laquelle des études approfondies sont
nécessaires.C'est la que tu excelles et que mes difficultés
commencent !

Merci de ton message, GEORGES-ALAIN. Deux remarques, si tu le veux bien, au sujet de ce que tu as écrit ci-dessus.

La première pour souligner qu'un tel sujet, qui touche aux structures fondamentales et plusieurs fois millénaires de nos sociétés humaines, est si complexe que les aborder voire tenter de les "penser" demeure une épreuve pour les chercheurs des multiples disciplines évoquées. En ce sens, c'est l'humanité entière qui se trouve être en position de "profane" ou mieux de néophyte devant les redoutables questions qu'il soulève tant au niveau théorique que pratique.

Et si je devais exceller en quelque chose sur ce point, ce serait à mesurer autant que je suis capable de le faire la puissance de nos entraves et l'étendue de nos ignorances face à une pareille problématique dont l'évolution n'est concevable, de même que c'est le cas en ce qui concerne les difficultés auxquelles se trouve confronté notre éco-système, qu'à l'échelle de plusieurs générations.

GEORGES-ALAIN a écrit: Et puis,aussi,en parlant de mémoire,beaucoup de ce que
je savais se promène dans les méandres de mon cerveau,tandis que
ce que je cherche à retenir sur l'instant a du mal à "s'imprimer"
suffisamment longtemps pour en tirer un profit à long terme....Sans
doute le manque d'exercice et de ce temps présent,déjà passé,qui
inexorablement montre l'impuissance à rattraper le temps perdu.
Que s'améliorer donc ! Je repars à zéro dans l'attente
dans apprendre d'avantage.....Avec mes remerciements.

Ce que je vous ai proposé là représente un modeste résumé d'une partie des trente ans de recherches, d'expériences, de méditations, de lectures, et donc d'entraînement mnémonique, que j'ai consacrés à ce thème. Il s'agissait là simplement d'entrouvrir à celles et ceux qui s'y intéresseraient quelques portes, et non pas d'attendre que tout(e) un(e) chacun(e), par je ne sais quel coup de baguette magique, en ait en un instant assimilé la totalité.

Il n'y a donc aucune raison pour que tu te sentes mal à l'aise avec cela. Si une ou deux pièces de ce puzzle non résolu venaient t'aider à compléter tel ou tel morceau du tien, ce serait déjà merveilleux, et, pour ma pomme, la plus belle et la plus amicale récompense qui soit.


Dernière édition par Xvarnah le Lun 26 Déc - 23:12, édité 1 fois
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Message par marc Lun 26 Déc - 23:05

....je viens de parcourir ce fil impressionnant...je n'en ai retiré que du bonheur...le bonheur d'apprendre, de découvrir certains auteurs que je ne connaissais pas...une réflexion sur l'altérité...je me suis permis de me faire un petit florilège des textes...à toutes fins utiles! mais j'ai aussi pu découvrir davantage quelqu'un que je savais déjà exceptionnel: l'ami Xvarnah!! Merci pour ce beau moment!
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Message par Invité Lun 26 Déc - 23:24

Il n'y a donc aucune raison pour que tu te sentes mal à l'aise avec
cela. Si une ou deux pièces de ce puzzle non résolu venaient t'aider à
compléter tel ou tel morceau du tien, ce serait déjà merveilleux, et,
pour ma pomme, la plus belle et la plus amicale récompense qui soit.

Je ne me sens pas mal à l'aise XVARNAH,

C'est simplement,peut-être,que j'avais besoin que tu confortes ma
position,ce que tu viens de faire gentiment.De ce fait,effectivement
et à ton approche certaines portes risques de s'entrouvrir plus
facilement....Cependant j'ai négligé de t'écrire combien j'ai apprécié
tout ce que j'ai lu,et me laisse perplexe au point de relire plusieurs
fois certains "passages"..
En tout état de cause je reste sur ma faim de te lire.


Dernière édition par GEORGES-ALAIN le Mar 27 Déc - 1:10, édité 1 fois
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Message par Invité Lun 26 Déc - 23:27

Merci, ami marc, de tes mots généreux : pour qu'un partage soit il faut être au moins deux et ton témoignage, comme celui de GEORGES-ALAIN, ci-dessus atteste qu'il est réalité. Quel plus beau "cadeau" pouvions-nous mutuellement nous offrir en ces fêtes de fin d'années ?

Que ce florilège et de savoureuses volutes viennent de concert embaumer l'espace qui vous est cher! pray fu15 smile
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Message par barbapipe Mar 27 Déc - 15:07

Rien n'est plus beau, en effet, que le partage des idées et, accessoirement, des tabacs. Et ce thème des rapports entre les sexes - donc humains - est certes l'un des plus vastes mais combien passionnant.
Mes remerciements sincères, Yves pour nous avoir développé là une part infime de ton savoir et de tes lectures si riches.

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Message par Invité Mar 27 Déc - 16:50

barbapipe a écrit:Rien n'est plus beau, en effet, que le partage des idées et, accessoirement, des tabacs. Et ce thème des rapports entre les sexes - donc humains - est certes l'un des plus vastes mais combien passionnant.
Mes remerciements sincères, Yves pour nous avoir développé là une part infime de ton savoir et de tes lectures si riches.

On ne s'emmerde pas sur le TB !

Ton message tombe à pic, barbapipe! J'étais justement en train d'achever le décryptage d'un fort curieux document portant précisément sur ce sujet, document que le facteur vient de déposer dans ma boîte à lettre :




La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Papare10



Le dit message, dont, par pudeur, je ne présente ici que la face avantageuse, est d'autant plus sibyllin qu'il s'accompagne d'une série de deux sachets en plastique sur lesquels, grâce à ma pierre de Rosette, j’arrive à déchiffrer les formules suivantes sans doute issues de quelque obscur rituel :

- Holker Twist Synjeco

- Cordemoy TGC + Holker Twist Synjeco


Tous deux me rappellent, d'ailleurs, un non moins mystérieux objet qui m'était précédemment parvenu et arborait une inscription plus énigmatique encore:

- My Own Blend (Va Pe La)


Tu en conviendras sans doute avec moi, La Poste véhicule ces derniers temps d'étranges objets!!! Very Happy

Et, il me faut bien le dire, c'est à grand peine que les lectures dont tu me crédites si amicalement me permettent d'y entendre quelque chose. study what scratch study what farao study what scratch

Quoique, toute réflexion faite, il me semble qu'il y à moins là à "entendre", peut-être, qu'à goûter, comme ce fut entre autres le cas pour un fameux fruit défendu: celui de l'Arbre de la Connaissance. tongue


La brève de l'admin "fumer au féminin" - Page 2 Cranac10


Lucas Cranach (1531)



Ton avis éclairé, sur ce point, me serait des plus précieux. clin Smile




Dernière édition par Xvarnah le Jeu 29 Déc - 10:39, édité 2 fois (Raison : Corrections)
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