Philippe Bargiel

Dans le bouquin de Robert Sabatier " La grande histoire de la pipe", on peut lire page 93:

"Passionné par son art, Philippe Bargiel en parle avec fougue et n'hésite pas à laisser ses couteaux, ses peignes et ses tours pour répondre en détail à toutes les questions que le fumeur se pose. Quelles sont les différences entre une pipe turque et une pipe traditionnelle ? 'Vaste sujet!' s'exclame-t-il, avant d'entrer dans les détails, illustrant son propos de nombreux petits croquis. En premier lieu, les méthodes de forage du foyer et de perçage de la tige sont inverses: ici, c'est la pipe qui tourne et non l'outil, que l'artisan tient en main. Il peut ainsi contrôler son travail avec toute la précision requise. Ensuite, le foyer est creusé moins profondément. Cette précaution empêchera que le cul de pipe , usé par les goudrons, se délite et finisse par se détacher. Le fond du foyer se trouvant ainsi plus haut que le conduit du tirage, celui-ci, pour le rejoindre, est courbé à son extrémité.
Puis la tige est taraudée pour recevoir la vis en buis qui la raccordera au tuyau. Cette opération est la plus délicate de toute la fabrication: la vis doit pouvoir s'insérer sans le moindre effort et très exactement dans l'axe de la tige et du tuyau pour éviter des désastres ultérieurs. Pour le taraudage, l'artisan possède un grand nombre de peignes en acier de tailles différentes, le diamètre de la vis étant calculé selon ceux de la tige et du tuyau.
Bien qu'on ait souvent utilisé des vis en os dans la fabrication des pipes en écume, le buis demeure le meilleur matériau. Contrairement au premier, très dur, sa grande solidité n'empêche pas une certaine souplesse qui permettra d'amortir un choc intempestif. En cas de chute, par exemple, c'est l'onde de choc rebondissant sur une vis trop dure qui brise la tige ( ou parfois même le tuyau, si celui-ci est en ambre véritable). Enfin, contrairement cette fois au système en plastique des pipes turques, la vis en buis n'altère pas le goût de la fumée.
Le travail de polissage de la tête est également très différent. L'artisan opère une "poupée", petit support en bois d'une vingtaine de centimètres de hauteur coiffé d'un amas de tissus: cette plate-forme douce et souple lui permet de tenir fermement sa pièce sans risquer pour autant de tasser la matière au contact du support. Tout tassement de l'écume, en effet, se traduirait à l'usage par une tache claire. La finition traditionnelle de l'écume exige un polissage à la prèle. Appelée parfois queue de cheval, la prèle est une sorte de petite fougère à tige cannelée, s’épanouissant volontiers sur les rives des grands fleuves ou au bord des marais. Sa tige, utilisée mouillée pour le polissage, contient en grande quantité de microscopiques grains de silice qui la rendent abrasive. A ce jour, on n'a rien trouvé de plus fin, de plus précis ni de plus commode pour polir l'écume."

Affres et vicissitudes des successions dans notre beau pays de France . . .

La continuation de la Maison Sommer n'a pas été possible et ce temple de la pipe d'écume a disparu corps et biens.

Philippe Bargiel m'a raconté son arrivée, presque par hasard dans cette grande maison et l'intelligence de sa direction qui intéressée par ses talents de sculpteur lui a payé une formation de pipier afin d'obtenir des pipes qui ont grandement contribué à la réputation de cette inestimable maison.

dadi a écrit:Produit-il encore des pipes?

A ce jour, Philippe Bargiel s'occupe quasi exclusivement de sa grande passion : redonner vies aux pipes anciennes. Les réparations tout à la fois de pipes somptueuses et rares comme de pipes très ordinaires lui prennent tout son temps et il y a beau lieu qu'il n'a pas créé de nouvelle pipe.

Son emploi du temps de forçat ne lui laisse que peu de répit et il n'est pas rare qu'il dorme brièvement sur un lit de fortune dressé en mezzanine dans un coin de l'atelier.

Il aimerait aller à Saint Claude et y rencontrer Pierre qui serait de son côté très heureux de le recevoir, je n'ai pas encore réussi à réunir ces deux monstres sacrés mais ne désespère pas d'un jour y arriver.